Irak : Les vraies raisons d’une guerre
Liens avec el-Qaïda, armes de destruction massive : l’argumentaire américain pour justifier un conflit est connu. D’autres enjeux le sont moins…
La guerre contre l’Irak est imminente. Pour se justifier, l’administration Bush développe un argumentaire connu : l’Irak dispose d’armes de destruction massive et représente une menace pour la sécurité mondiale. Saddam Hussein a toujours violé les résolutions de l’Organisation des Nations unies. Enfin, le président irakien entretiendrait des liens avec el-Qaïda.
Mais cette guerre est à replacer dans un cadre géostratégique élargi. Depuis la fin de la guerre froide, les États-Unis sont devenus la seule hyperpuissance mondiale. Il aura fallu du temps pour que les Américains assument sans complexe cette position. Processus arrivé à maturité avec l’arrivée au pouvoir de l’actuelle administration républicaine. Pour cette dernière, la « guerre préventive » doit être engagée contre tout pays potentiellement dangereux. Facteur aggravant : les attentats du World Trade Center.
Étant donné l’origine moyen- orientale des terroristes du 11 septembre 2001, la doctrine américaine du statu quo dans cette région, qui prévalait jusqu’à la veille de ces attentats, a atteint ses limites. Le département d’État a élaboré, en 2002, une ébauche du « Partenariat avec le Moyen-Orient ». Son but : promouvoir la démocratisation du monde arabe. L’Irak serait le premier laboratoire de cette expérience. Projet qui, dans la région, suscite les inquiétudes des dirigeants traditionnellement hostiles à la démocratisation. Pour le torpiller, ils ne manqueront pas de le présenter comme un cheval de Troie servant les intérêts occidentaux.
La chute du régime de Saddam Hussein devrait servir d’autres desseins, réalistes cette fois. La mise en place d’un pouvoir proaméricain à Bagdad permettrait aux États-Unis de contrôler le pétrole de l’Irak, deuxième pays en termes de réserves mondiales. En incitant Bagdad à augmenter la production, les prix baisseraient, favorisant la croissance d’une économie américaine énergivore. Des répercussions qui pourraient provoquer l’implosion de l’Opep. D’un autre côté, le retour de l’Irak sur le marché serait préjudiciable à l’Arabie saoudite qui, avec d’autres pays pétroliers, profite, depuis l’embargo, de l’absence des Irakiens sur le marché pour dépasser son quota. Ce développement réduirait les ressources financières et la marge de manoeuvre de l’Arabie saoudite. La pétromonarchie serait ainsi obligée, à l’heure d’une crise économique profonde, d’entamer une libéralisation politique, de restructurer son économie et de s’ouvrir aux marchés. La marge de manoeuvre du royaume wahhabite dans ses relations étroites avec l’intégrisme islamique serait limitée. Et son rôle de « puissance » régionale dans le Golfe et dans le monde arabe révisé à la baisse au profit d’un nouvel élément : l’Irak. Déjà, l’émirat du Qatar, lieu d’émission d’Al-Jazira, semble vouloir se défaire de la tutelle du grand frère saoudien…
Autres effets d’un renversement de Saddam Hussein sur la région : les nouvelles autorités seraient amenées à signer un traité de paix avec Israël. Isolés, les Palestiniens auraient encore moins de marge de manoeuvre vis-à-vis de l’État hébreu. Le contexte ouvert par cette guerre d’Irak pourrait être propice aux scénarios les plus inouïs pour « résoudre » la question palestinienne ! Le nouveau régime serait un facteur supplémentaire d’endiguement et d’isolement de l’Iran, avec l’Afghanistan à sa frontière Est et des républiques d’Asie centrale de plus en plus attirées dans l’orbite américaine. Cette nouvelle donne ne devrait pas encourager la diminution des tensions politiques à l’intérieur du régime des mollahs et affaiblirait le courant libéral de Khatami. Enfin, la Syrie, classée parmi les soutiens au terrorisme international, serait encouragée à entamer de réelles réformes économiques et politiques, et convaincue d’évacuer le Liban et de signer un accord de paix avec Israël. Perdant la protection du parapluie syrien, le Hezbollah serait obligé de désarmer. Dans ce nouveau contexte régional, il est fort probable que le Liban tomberait sous la coupe israélienne. Si un tel scénario venait à se réaliser, la pax americana régnerait alors sur le Moyen-Orient.
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