Guillaume Soro, de l’amphi à la tribune

Publié le 18 février 2003 Lecture : 3 minutes.

Guillaume Soro s’est transformé. Adieu le leader estudiantin au style verbeux, amateur de clandestinité et de pseudonymes – le « Dr Coumba » dont on parlait après le 19 septembre, c’était lui – , et bonjour l’homme politique. La « victoire » constituée par l’accord de Marcoussis et l’attribution – controversée – des ministères de la Défense et de l’Intérieur au Mouvement patriotique de Côte d’Ivoire (MPCI) ont galvanisé l’ardeur du secrétaire général. Il n’est plus le porte-parole d’un obscur mouvement de « petits caporaux et de va-nu-pieds ». Il a traité à égalité avec toutes les formations politiques de son pays à Marcoussis. Il a négocié avec certains chefs d’État à Paris, puis exposé ses arguments devant une dizaine d’autres à Dakar, le 31 janvier.
Seuls, jusqu’alors, les militaires pouvaient revendiquer des acquis effectifs pour avoir pris, et conservé, les villes du nord du pays. La population acclame plus volontiers les chefs de guerre que les « politicards ». Elle est solidaire des jeunes soldats, qui sont ses fils. Or, même à Man et à Danané, villes de l’Ouest où règne encore une grande violence, Soro a reçu une honnête ovation lors de ses discours des 6 et 7 février.
Il s’y est rendu dans le cadre d’une tournée d’explication des négociations de Paris. Objectif : se démarquer du président Laurent Gbagbo, lequel retardait alors de jour en jour la date de son adresse à la nation, et démontrer tous les avantages que l’accord – obtenu par lui-même, il n’a pas manqué de le souligner – peut apporter aux habitants du Nord. Il lui fallait aussi soutenir la mobilisation, faire prendre patience aux jeunes recrues, toujours l’arme au pied, et acquérir un peu de popularité auprès de populations qui ne l’avaient jamais vu, même si l’heure n’est pas à une quelconque précampagne. De toute façon, Soro n’est âgé que de 31 ans, il ne sera donc pas éligible en 2005 même si, selon l’accord de Marcoussis, l’âge pour se présenter à la présidence doit être ramené de 40 ans à 35 ans.
Il a donc donné la pleine mesure de ses talents d’orateur, non plus face à des étudiants en colère, mais devant de véritables foules. Dans un français simple, à la portée de son auditoire, il a entrepris de séduire avec de subtiles ficelles. À Korhogo, fief du Rassemblement des républicains (RDR), il a cité à plusieurs reprises Alassane Ouattara. À Man, il a fait un tabac en insistant sur le projet de commission d’enquête sur la mort de l’enfant du pays, le général Gueï. Bref, les gens peuvent maintenant penser que, s’ils obtiennent la nationalité ivoirienne, une carte d’identité et la fin des cartes de séjour, c’est grâce au MPCI et à… Guillaume Soro.
L’accueil qu’il a reçu partout constitue une revanche sur ses camarades militaires, qu’il pourrait bien jalouser in petto. La réussite lui monte d’ailleurs un peu à la tête. Il adopte de plus en plus les attitudes d’une star ou, disent certains, d’un président de la République. Il a une escorte pléthorique, des gardes du corps agressifs, une grosse voiture allemande aux vitres teintées. Dans le grand stade de Bouaké, sa « capitale », le 4 février, il s’est offert un tour d’honneur assis à l’arrière, vitres baissées, le bras levé en un petit salut façon reine d’Angleterre. Ce jour-là, « chef Konaté » a fait trépigner de plaisir la foule en effectuant une petite démonstration juché sur le siège de son canon de « DCA » monté sur pick-up. Les chefs militaires ont souri, le secrétaire général est resté de marbre.

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