Droits de l’homme Sharon devra rendre des comptes

La décision de la Cour de cassation belge permet la relance des poursuites pour crimes de guerre contre l’actuel Premier ministre israélien.

Publié le 18 février 2003 Lecture : 3 minutes.

La Cour de cassation belge a remis sur le tapis la plainte pour crimes de guerre, crimes contre l’humanité et génocide déposée par vingt-trois Palestiniens contre Ariel Sharon, pour son rôle présumé dans les massacres des camps palestiniens de Sabra et Chatila en 1982, au Liban. La plus haute instance judiciaire a annulé, le 12 février, l’arrêt de la cour d’appel de Bruxelles de juin 2002 qui avait déclaré irrecevable la poursuite contre le Premier ministre israélien au motif que la loi de compétence universelle ne s’appliquait que si l’inculpé se trouvait en Belgique.
Si Ariel Sharon est à l’abri tant qu’il sera à la tête du gouvernement israélien, ce n’est pas le cas du général Amos Yaron (responsable du secteur de Beyrouth au moment des massacres), contre qui les poursuites peuvent être relancées.
La décision a déclenché l’ire de Tel-Aviv qui a immédiatement rappelé « pour consultations » son ambassadeur à Bruxelles. Et convoqué le représentant de la Belgique au ministère israélien des Affaires étrangères.
À l’opposé, des réactions de satisfaction ont été enregistrées du côté des plaignants et des militants des droits de l’homme. Mais si l’arrêt lève un important obstacle à l’application de la loi de compétence universelle (les personnes suspectées ne doivent pas être nécessairement en Belgique pour être poursuivies), il ne va pas jusqu’au bout de la logique de celle-ci. Alors que la loi de 1993 autorise la traduction devant les tribunaux belges des auteurs des pires violations des droits de l’homme, quels que soient leur qualité, leur nationalité et le lieu de leurs forfaits, la Cour de cassation reconnaît une immunité à l’actuel Premier ministre israélien : « La coutume internationale s’oppose à ce que les chefs de gouvernement puissent faire l’objet de poursuites devant un État étranger. » S’alignant là sur la position prise par la Cour internationale de justice dans l’arrêt Abdoulaye Yérodia du 14 février 2002 (voir J.A.I. n° 2146).
Un précédent jurisprudentiel qui a fortement amputé la loi belge et fait désespérer nombre de militants des droits de l’homme sur l’issue de la trentaine de procédures visant des chefs d’État et ministres en exercice. Parmi lesquelles la plainte pour crimes contre l’humanité qui avait été déposée, le 28 juin 2001, par quelque 150 familles de victimes du charnier de Yopougon, contre le président ivoirien Laurent Gbagbo, son prédécesseur aujourd’hui décédé Robert Gueï, ses anciens ministres de la Défense et de l’Intérieur Moïse Lida Kouassi et Émile Boga Doudou.
Cette procédure a été, le 26 juin 2002, dans la foulée de l’affaire Sharon, déclarée irrecevable au même motif que les personnalités poursuivies ne se trouvaient pas sur le territoire belge. Après avoir déposé un pourvoi en cassation contre cette décision de la cour d’appel de Bruxelles, les plaignants ivoiriens se sont par la suite désistés. Désabusés, en butte à l’immunité invoquée par le président ivoirien et reconnue par la jurisprudence Yérodia, ils ont retiré leur pourvoi et, donc, éteint leur procédure, le 13 novembre.
L’immunité est attribuée, au regard de l’arrêt Yérodia, aux chefs d’État, de gouvernement, et aux ministres des Affaires étrangères en fonction. S’ajoutent immanquablement à cette liste les autres ministres ainsi que les fonctionnaires des ambassades et consulats, du fait de leur statut de diplomate. N’y ont, en revanche, pas droit les responsables des forces armées et de police, exécutants naturels des crimes incriminés.
L’arrêt de la Cour de cassation s’inscrit dans la droite ligne des deux propositions de loi soutenues par le Premier ministre belge Guy Verhofstadt, et votées à la fin de janvier par le Sénat pour sauver la loi de compétence universelle. La première dispose que « la loi de 1993 s’applique sans considération du lieu où l’auteur présumé du crime peut être trouvé ». La seconde, reflet des pressions exercées par les personnalités poursuivies, introduit un système de filtre pour les nouvelles plaintes qui pourraient être déposées en Belgique. Pour celles « sans critère de rattachement avec le pays », la recevabilité est dorénavant laissée à l’appréciation du parquet général.
Les ONG se sont réjouies de ce « sauvetage in extremis » de la loi de compétence universelle, « pièce maîtresse de la lutte mondiale contre l’impunité qui couvre les pires crimes et atrocités ».

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