Difficile intégration

La part des étrangers dans la population est stable, mais l’ immigration fait toujours peur. Le pays ne peut pourtant pas s’en passer.

Publié le 18 février 2003 Lecture : 3 minutes.

Les images chocs des clandestins qui échouent dans le nord de la France, de demandeurs d’asile qui affluent sur tout le territoire, de jeunes de banlieue qui tombent dans la délinquance : le spectre d’une vague d’immigration submergeant le pays reste vivace. La France serait-elle malade de son immigration ? Tout se mélange : la peur de l’autre, la montée de l’intolérance et de sa manifestation politique avec la présence du Front national au second tour de l’élection présidentielle. Pourtant, depuis vingt-cinq ans, la part de la population immigrée dans la population totale est stable, se situant à 7,4 % – soit 4,3 millions de personnes – au dernier recensement de 1999. Un chiffre relativement faible comparé aux autres pays occidentaux : 9 % en Allemagne, 10 % aux États-Unis, 17 % au Canada…
Après la suspension de l’immigration de travail, en 1974, la maîtrise des flux migratoires est devenue l’obsession des pouvoirs publics. Pour garantir l’État forteresse, on s’est efforcé de colmater les brèches, notamment en renforçant le contrôle aux frontières et en multipliant les conditions à remplir pour entrer sur le territoire. Et le regroupement familial, qui offre la possibilité à l’étranger résidant en France de faire venir son conjoint ou ses enfants, a connu un net fléchissement. Alors qu’en 2000 l’Office des migrations internationales, organe chargé de faire passer les visites médicales aux demandeurs, a accepté 59 000 personnes, il n’a donné de titre de séjour qu’à 23 000 candidats en 2001.
Mais depuis quelques années, c’est en demandant le droit d’asile que beaucoup de nouveaux immigrés entrent en France. Un nombre de dossiers en forte augmentation qui peut s’expliquer par les récents conflits dans le monde mais qui peut se lire aussi de façon plus conjoncturelle : « Aujourd’hui, à cause de la fermeture des frontières, le droit d’asile, qui doit avant tout être une protection, est devenu l’équivalent d’un titre de séjour », explique Claire Rodier, militante au Groupe d’information et de soutien des immigrés (Gisti). Conséquence : le système est aujourd’hui totalement saturé. En 2001, l’Office français de protection des réfugiés et apatrides (Ofpra), l’organisme chargé d’étudier les dossiers des demandeurs d’asile, s’est vu soumettre 48 000 nouveaux cas. Si l’on y ajoute les quelque 30 000 demandes d’asile territorial – forme parallèle d’obtention du statut – et les procédures en cours d’instruction, ce sont 100 000 personnes qui sont en attente d’une décision. Pour désengorger le système, la France, comme tous ses voisins européens, s’est lancée dans une grande réforme de la procédure d’obtention du statut de réfugié. Il s’agit de simplifier les démarches afin de réduire le temps d’attente et de centraliser tous les fichiers au sein de l’Ofpra. Alors qu’il faut actuellement près d’un an, en moyenne, pour traiter un dossier, la réforme vise à réduire ce délai à deux mois au maximum. Il s’agit également d’étendre la liste des pays dont les ressortissants n’auront plus le droit de demander le statut de réfugié. Parmi ces pays, reconnus « sûrs et sécurisés », on retrouverait le Mali, le Gabon, l’Afrique du Sud, le Botswana…
Les démographes le répètent pourtant à l’envi : la France a encore et toujours besoin d’immigrés. Au cours des années quatre-vingt-dix, on estime à 12 % environ la part de nouveaux entrants de nationalité étrangère sur le marché du travail, soit près de 100 000 personnes par an. Un des enjeux des prochaines années, pour tous les pays industrialisés, sera de faire face au vieillissement de leur population, et l’immigration est l’une des réponses au problème. D’après le rapport rendu public en novembre 2002 et intitulé Immigration, marché du travail, intégration, dirigé par le démographe François Héran et commandé par le commissariat général au Plan, la France pourra maintenir les effectifs de sa population d’âge actif si la fécondité reste voisine du seuil de remplacement et si elle accueille chaque année environ 20 000 immigrés de plus qu’actuellement.
Mais les chiffres montrent que l’objectif, en termes d’intégration, est encore loin d’être atteint : 20 % des immigrés sont au chômage, contre 10 % pour la moyenne nationale, et deux immigrés actifs sur trois sont ouvriers ou employés. Preuve que les discriminations à l’embauche sont encore très fortes.

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