De Bagdad à Abidjan

Publié le 18 février 2003 Lecture : 2 minutes.

«France is back ! » écrivions-nous, à la une de J.A.I., il y a sept mois.
La France revient. Passé le choc du premier tour de l’élection présidentielle d’avril, de ces effarants 19 % des voix ramassés par l’extrême droite au fond des poubelles de la misère intellectuelle et de l’exclusion sociale, Jacques Chirac entendait redonner à l’Hexagone un rôle majeur sur la scène mondiale. Celui que le roi Fahd d’Arabie saoudite qualifia un jour de « fils du général de Gaulle » et de Georges Pompidou devait à n’en point douter démontrer qu’il restait encore dans ce monde unipolaire
une place pour une politique étrangère imaginative et indépendante. Bref, on
allait voir ce qu’on allait voir.
Sept mois plus tard, à la lumière des crises irakienne et ivoirienne, le temps des épreuves est venu. Celui des jugements aussi. Chirac, c’est vrai, confirme qu’il est sans doute le président le plus « mondialiste » que la France ait connu depuis Charles de Gaulle, le seul pour qui la planisphère est une référence constante. Il se résout toujours aussi mal à ce que la France ne soit plus, depuis longtemps, qu’une puissance moyenne à l’autonomie d’action limitée et sait que, pour accroître le poids réel de son pays, il n’est pas d’autre solution que d’incarner une position d’équilibre. Hier entre l’Est et l’Ouest, aujourd’hui entre l’Amérique et le reste du monde. Même si les statuettes le passionnent plus qu’une politique qu’il juge lassante et répétitive et même s’il laisse à Dominique de Villepin le soin de faire en sorte que ce dossier-là revienne au premier plan, Jacques Chirac sait enfin que l’Afrique est capitale pour le rayonnement extérieur de la France. Le sommet Afrique-France de Paris, du 19 au 21 février, devrait en apporter une nouvelle preuve.
Constance dans les préoccupations donc, mais aussi dans les défauts. D’Abidjan à Bagdad, Chirac en fait toujours un peu trop. Son caractère parfois brutal, ses réactions un peu mécaniques, sa difficulté à biaiser et à sauvegarder les apparences font qu’il se heurte souvent au principe de réalité – puissance américaine d’un côté, invisibles subtilités ivoiriennes de l’autre. Du coup, la France a bien du mal à échapper aux accusations, parfois justes, parfois malveillantes, de cynisme diplomatique. Comment un pays connu pour son réalisme à toute épreuve dans le domaine du respect, à l’étranger, des droits de l’homme et dont la tendance à relativiser les règles de la démocratie dès que ses intérêts économiques sont en jeu peut-il « dire le droit » avec tant d’orgueil ? Comment un pays aussi inquiet de son avenir à l’intérieur de ses frontières, où le ministre le plus médiatique est celui de la Police, peut-il prétendre imposer tant de respect à l’extérieur ? Dommage que ces interrogations, récurrentes, finissent toujours par surgir dès que la France relève la tête sur la scène internationale. Car, dans le fond, ce passionné du monde qu’est Jacques Chirac n’a pas tort lorsqu’il répète qu’une « vraie » politique étrangère « consiste à ne pas donner de leçons à la terre entière à partir d’idées fausses ».

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