Criblé de balles, Malcolm X s’effondre

Publié le 18 février 2003 Lecture : 3 minutes.

Plusieurs centaines de Noirs se pressent devant l’Aubudon Ballroom, une salle de spectacle de Harlem, ce 21 février 1965. Ils viennent écouter Malcolm X, qui, après sa rupture avec Nation of Islam, vient de fonder l’Organisation de l’unité afro-américaine (OAAU). La réunion se tient dans un climat tendu. Une semaine auparavant, un incendie d’origine criminelle s’est déclaré au domicile du leader noir. Son épouse et ses enfants ont failli y laisser la vie.
Malcolm X vient de prendre la parole lorsqu’un brouhaha provoqué par deux hommes assis au fond de la salle attire son attention. Il tente de ramener le calme : « Frères, ne vous énervez pas ! » Ce seront ses derniers mots. Profitant de la diversion, trois hommes ouvrent le feu sur lui. Il s’effondre, mortellement touché. Ses trois agresseurs – des Noirs – prennent la fuite, poursuivis par la foule. Rattrapé, l’un d’entre eux, Talmadge Hayer, doit à une énergique intervention de la police d’avoir la vie sauve. Les deux autres, Norman Butler et Thomas Johnson, membres de Nation of Islam, réussissent à s’échapper. Ils seront appréhendés plus tard et traduits en justice, en janvier 1966.

La communauté noire est consternée. Pour la police new-yorkaise et le gouvernement fédéral américain, le mobile de l’assassinat ne fait aucun doute, tant la haine que se vouent, depuis plusieurs mois, Malcolm X et les dirigeants de Nation of Islam paraît inexpiable. Ce n’est pas l’avis de tout le monde. Et surtout pas des amis de la victime, qui accusent les autorités et les services secrets américains. Le 13 mars 1965, Leon Ameer, un ancien compagnon de Malcolm X, annonce ainsi son intention de rendre publics des cassettes et des documents qui, selon lui, prouvent de « manière irréfutable » la responsabilité du gouvernement, du FBI et de la CIA. La nuit suivante, il meurt d’une overdose de somnifères, emportant avec lui cassettes et documents.

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Toute la vie du leader de l’OAAU a été marquée par la violence. Malcolm Little, c’est son nom de baptême, est né le 19 mai 1925, à Omaha (Nebraska). Louise, sa mère, doit son métissage au viol de sa propre mère par un Blanc. Le pasteur Earl Little, son père, est un fervent animateur de l’Association universelle pour la promotion des Noirs, ce qui lui vaut de fréquents problèmes avec le Ku Klux Klan. Il disparaît dans d’obscures conditions, en 1930, laissant derrière lui son épouse et huit enfants.

Très pauvre, le jeune Little rejoint l’une de ses soeurs à Boston, puis se rend à New York, où il vit d’expédients : il devient dealer et, à l’occasion, proxénète. À 20 ans, il est arrêté pour vol et condamné à dix ans de prison. Derrière les barreaux, il se cultive en recopiant le dictionnaire. Parallèlement, il étudie les idées d’Elijah Mohamed, le « Guide » de Nation of Islam, une organisation musulmane de Detroit dont les adeptes sont surnommés les Black Muslims. Libéré avant terme pour bonne conduite, il adhère à l’organisation, où son intelligence, son entregent et son extraordinaire sens de la communication vont vite faire merveille.

Aux côtés d’Elijah Mohamed, son maître, Malcolm est sur tous les fronts. Il ouvre une mosquée à Harlem, crée un journal (Mohamed Speaks) et renonce à son patronyme, jadis attribué à ses grands-parents par le maître esclavagiste. En attendant de retrouver le véritable nom de ses ancêtres africains, il choisit de s’appeler « X », tout simplement. Malcolm X, donc, donne des conférences de presse pour dénoncer la suprématie blanche et appeler ses frères à la résistance. Les jeunes du ghetto sont séduits, Elijah Mohamed beaucoup moins : suspicion, jalousie… De son côté, Malcolm X supporte de plus en plus difficilement l’autoritarisme de son ex-idole. Le jeune homme veut une organisation plus politique, plus impliquée dans les luttes quotidiennes. Craignant le FBI, Elijah s’y oppose.

La rupture est consommée le 8 mars 1964, quand Malcolm X crée un nouveau mouvement, Muslim Mosque Inc. Un peu plus tard, il se rend en pèlerinage à La Mecque. Il en revient transformé et nanti d’un nouveau nom : El Hadj Malik el-Shabbaz. C’est alors qu’il fonde l’OAAU, version afro-américaine de l’Organisation de l’unité africaine.

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En avril 1966, Hayer, Butler et Johnson seront condamnés à vingt ans de prison, sans que le tribunal juge utile d’entendre les centaines de témoins oculaires de l’assassinat. En décembre 1970, Gene Roberts, l’un des garde du corps de Malcolm X, celui-là même qui tenta de le réanimer le 21 février 1965, reconnaîtra avoir été une « taupe » à la solde du département de la police de New York. Malgré la déclassification récente de certains documents confidentiels du FBI, l’assassinat du leader noir radical n’a toujours pas livré tous ses secrets.

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