Ambassadeurs de France

Élevées au rang de stars en leur pays, ces célébrités incarnent à l’étranger cette France du bon goût, de la culture et du talent.

Publié le 18 février 2003 Lecture : 9 minutes.

«Tu es français, mais alors tu es un ami de Zidane ? » Pour tous les enfants du monde, la France, c’est lui, ce fameux numéro 10, l’as du ballon rond. Les plus âgés citeront peut-être plus volontiers Depardieu ou Aznavour, sans oublier de faire une petite tirade sur le camembert, le vin rouge et Paris. La France, c’est aussi cette image qui lui colle à la peau : celle du pays du luxe, de la culture, de la gastronomie. Comme si, finalement, Laetitia Casta ou Paul Bocuse valaient tous les ambassadeurs au monde.

Zinedine Zidane
Héros national
Sa fiche signalétique : 1,85 m et 72 kilos. Sa fiche technique : as de la « roulette » et Ballon d’or à deux reprises. Son chiffre fétiche : le numéro 10. Que dire de plus du célèbre « Zizou » ? Ce fils de Kabyles est de l’étoffe dont on fait les héros : il est le chouchou de ces dames et l’idole des jeunes. Dès l’âge de 13 ans et demi, il est repéré par les recruteurs de l’AS Cannes, où il fera ses débuts en première division. Puis ce sera les Girondins de Bordeaux et l’étranger, la Juventus de Turin, d’abord, sur les traces de Platini, et le Real Madrid. Artisan de la victoire de la France lors de la fameuse Coupe du monde 1998, Zidane est devenu une star planétaire et la coqueluche des publicitaires. Son site Web officiel se décline en français, en anglais et en espagnol. Mais pour ses fans, Zidane, c’est avant tout l’homme qui transforme un match en spectacle par la grâce de son coup de pied.

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Charles Aznavour
En haut de l’affiche
Il est né à Paris par hasard, un jour de mai 1924, alors que ses parents, un couple d’exilés arméniens, attendaient un visa pour les États-Unis : « J’ai ouvert les yeux sur un meublé triste/ Rue Monsieur-Le-Prince au Quartier latin », chante-t-il en 1980 dans « Autobiographie ». À force d’obstination, Shandour Varenagh Aznavourian, le fils d’immigrés bohèmes, est parvenu en haut de l’affiche. Il débute en tant que comédien en enchaînant les petits rôles au théâtre et au cinéma. À 22 ans, il rencontre Édith Piaf et son idole, Charles Trénet, le Fou chantant. Les années soixante voient sa consécration : tour de chant sur toutes les scènes du monde et rôle phare dans Tirez sur le pianiste de François Truffaut. En 1988, il revient sur sa terre d’origine à la suite du terrible tremblement de terre de Erevan, en Arménie, qui fit plus de 50 000 morts. Il crée alors la Fondation Aznavour pour l’Arménie, avant d’être nommé ambassadeur permanent par l’Unesco. À près de 80 ans, il a annoncé sa décision d’arrêter les tournées. On a toutefois pu le voir récemment dans le dernier film d’Atom Egoyan, Ararat, consacré au génocide arménien. Ne jamais s’arrêter, telle pourrait être sa devise. Un jour, d’ailleurs, il eut ce mot : « Pour moi, la retraite, ça serait mourir d’ennui. »

Paul Bocuse
Toque d’or
Chez les Bocuse, on est cuisinier de père en fils depuis le XVIIIe siècle. Mais Paul est le premier à avoir rendu le nom célèbre. Né comme ses aïeux à Collonges-au-Mont-d’Or, près de Lyon, en 1924, il est devenu le théoricien de la « nouvelle cuisine » en France et à travers le monde. Chantre de la simplicité, il s’est fixé pour règle d’or d’abolir les sauces au beurre et les plats à la crème. Histoire de donner libre cours à la saveur des produits : « Turbot cuit au plat à l’oseille », « Pigeon en feuilleté au chou nouveau et foie gras », tels sont les quelques plats du menu du Grand Limonaire de l’abbaye de Collonges, l’ancienne auberge-guinguette de son père. En 1961, alors qu’il vient d’obtenir son diplôme de meilleur ouvrier de France, il reprend l’établissement situé sur les bords de Saône et le transforme en adresse réputée. À l’époque, il doit même racheter le nom de « Bocuse », car son grand-père, ruiné, en avait vendu l’exploitation au début du siècle. En 1989, il est élu « cuisinier du siècle » par le Guide Gault & Millaut. Son restaurant fut classé « premier restaurant du monde » par The Rich and Famous World’s Best en 1989 et 1990.

Jamel Debbouze
Le roi de la tchatche
Avec son mètre soixante, son nez en trompette et sa tête de rigolard, il s’est fait un prénom. Pour tous les jeunes, c’est Jamel, un point c’est tout. Comme on le dirait d’un copain qui amuse la galerie. Dans le dernier sondage Ifop paru en janvier, il arrive en tête du Top 50 des personnalités préférées des jeunes Français. Peut-être parce que Jamel, c’est d’abord l’enfant de la télé, le fils de Canal +, comme beaucoup de cette génération. Mais aussi parce qu’il est l’incarnation du jeune « beur » qui a réussi. Né au Maroc en 1975, il arrive à Trappes, dans la banlieue parisienne, à l’âge de 4 ans. À l’école, il fait déjà le clown. Adolescent, il écume les matchs d’improvisation. À 22 ans, il illumine le petit écran, animant une chronique loufoque sur Canal +, « Le cinéma de Jamel ». La machine est lancée. Depuis, il enchaîne les one-man shows dans les grandes salles parisiennes et les rôles au cinéma. Il reste toujours incontrôlable, alliant humour décapant et bagout de banlieue.

Georges Charpak
Au nom de la science
En 1992, Georges Charpak reçoit le prix Nobel de physique, distinction ultime qui couronne toute une carrière vouée au service de la recherche nucléaire. Né en 1924 à Dabrovica, en Ukraine, il arrive en France à l’âge de 7 ans. Juif d’origine polonaise, il entre dans la Résistance quand éclate la guerre. Il sera déporté au camp de Dachau, où il passera un an. Tout jeune diplômé de l’École des mines de Paris, il entre en 1959 au Cern (Centre européen de la recherche nucléaire, devenu le Laboratoire européen pour la physique des particules), à Genève. C’est alors qu’il crée un nouveau type de détecteurs de particules : « la chambre proportionnelle multifils ». Depuis, il s’est évertué à défendre l’énergie nucléaire et à « démystifier » son caractère dangereux, ce qui lui vaudra d’essuyer les foudres des militants écologistes. Il s’est aussi distingué par ses discours sur l’enseignement des sciences expérimentales à l’école en inventant la méthode de « la main à la pâte » qui préconise l’expérimentation directe et active. Avec sa mèche blanche de savant fou tombant sur le front, Charpak reste l’une des figures les plus connues de la vulgarisation de la science en France.

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Gérard Depardieu
Monumental
C’est un poids lourd, dans tous les sens du terme. Par sa taille d’abord, par sa carrière ensuite. Il a tout fait, a joué dans tous les registres, incarnant tout aussi bien un loubard déjanté dans les fameuses Valseuses de Bertrand Blier que le comte de Monte-Cristo ou Obélix le Gaulois. Il a gardé de ses origines familiales et rurales l’éloquence des hommes simples. Né en 1948 à Châteauroux, dans l’Indre, il aurait pu mal tourner et finir petit truand. Mais il choisit d’être acteur et monte à Paris. Là, il croisera la route de Truffaut, Pialat, Blier, Zidi, Veber, Bertolluci… et de tant d’autres. En 1990, il reçoit un prix d’interprétation à Cannes pour sa performance dans Cyrano de Bergerac, le film de Jean-Paul Rappeneau. Comme tous les monstres sacrés, les images lui collent à la peau : pour les Américains, c’est « Depardiou » ; pour les moqueurs, c’est le cuistot qui fait de la publicité pour une célèbre marque de pâtes, ou le buveur invétéré de bonnes bouteilles de bourgogne… Qu’importe ! Il enchaîne les projets, à la télé, au théâtre et, bien sûr, au cinéma. Infatigable.

José Bové
Irréductible Gaulois
« Farines animales… poison, lutte syndicale… prison », c’est avec cette banderole accrochée sur son tracteur que José Bové est arrivé devant l’entrée de la prison, en juin dernier. Il y a passé trois mois, condamné pour le saccage du McDonald’s de Millau en août 1999. Cette action reste son fait d’armes le plus connu, mais il y en a eu d’autres, dont la destruction de plants de maïs transgéniques, qui lui a valu une condamnation à quatorze mois de prison ferme. Si le leader de la Confédération paysanne a fait de la provocation un mode de lutte, ses amis préfèrent parler « d’intelligence politique ». Avec sa grosse moustache, il a des allures d’irréductible Gaulois. C’est en tout cas une image qu’il aime à cultiver et que les médias affectionnent tout particulièrement. Il est devenu l’un des porte-parole les plus charismatiques du mouvement antimondialisation. Issu d’une famille de soixante-huitards retournée aux sources en se terrant dans le Larzac, José Bové a su s’imposer comme le défenseur des petits producteurs contre les réglementations européennes, les diktats de l’Organisation mondiale du commerce et la concurrence déloyale des multinationales.

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Yves Saint Laurent
Élégant jusqu’au bout
« Je n’étais plus maître dans ma maison. » En janvier 2002, l’homme, toujours caché derrière ses grosses lunettes, tirait sa révérence. Ce départ très médiatique a été présenté comme un cri de protestation contre l’époque, et contre les financiers qui s’accaparent l’art : ses lignes de parfum et sa maison de prêt-à-porter avaient déjà été rachetées par l’italien Gucci, enseigne elle-même détenue par le groupe de François Pinault. Il était alors le dernier représentant mythique de la haute couture française. Après des débuts chez Dior, il se met à son compte en 1961. Bientôt, s’ouvre à Paris sa boutique de prêt-à-porter, « Saint Laurent Rive Gauche ». Créateur homosexuel, contestataire et pionnier de son temps, il a toujours expliqué avoir créé sa propre maison pour « libérer la mode » et « donner le pouvoir aux femmes ». Il aura habillé les plus belles, dont Catherine Deneuve. Les initiales YSL resteront la griffe d’un homme dont l’identité était une marque.

Laetitia Casta
Marianne est si jolie
Des yeux de rêve, une silhouette envoûtante, et voilà la naissance d’une princesse. L’histoire commence comme un conte de fées : à 15 ans, elle est remarquée sur une plage de Calvi, en Corse, et intègre aussitôt l’agence de mannequin Madison. Un coup de baguette magique et elle fait son premier défilé pour Jean-Paul Gaultier. Très vite, sa photo s’étale en couverture des magazines féminins en France et aux États-Unis. Elle devient l’égérie de marques qui s’empressent d’afficher son image en grand format sur les murs et les écrans de télévision : L’Oréal, Ungaro, Ralph Lauren, Chanel, dont elle ambassadrice du parfum Allure… La pétillante Casta plaît et séduit. En 2000, la patrie reconnaissante et l’Association des maires de France la choisissent pour incarner Marianne, le symbole de la République. Entres paillettes et défilés, le carrosse n’est pas près de se transformer en citrouille : sûre de sa bonne étoile, Laetitia Casta tente aujourd’hui de poursuivre son rêve au cinéma.

Bernard Arnault
Luxe et discrétion
C’est le « monsieur Luxe » à la française. Le patron de Louis Vuitton Moët-Hennessy (LVMH) fait partie du peloton de tête des patrons français les mieux payés, avec un salaire affiché pour 2001 de 15,38 millions d’euros. La galaxie LVMH se décline sous tous les tons du luxe, des sacs en cuir aux parfums (Dior ou Givenchy) en passant par les champagnes ou les montres. Si ce polytechnicien de 53 ans a incontestablement réussi, il cultive l’image d’un bon père de famille, passionné de culture et de haute couture, tout en étant un requin impitoyable en affaires. En juin 2002, il quittait ainsi le conseil d’administration de Vivendi Universal, sentant le vent tourner pour son « ami » Jean-Marie Messier. C’est l’une de ses qualités quasi infaillibles : bien sentir l’époque, développer un marché de masse, convaincu que Mme Tout-le-Monde rêve de se payer une tranche de luxe. Malgré un passage raté dans la nouvelle économie et l’Internet, il a toujours le vent en poupe.

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