Une nouvelle bataille

L’accord signé entre le Nord et le Sud ne résout pas tout. Seule la reconstruction pourra garantir une paix durable.

Publié le 17 janvier 2005 Lecture : 3 minutes.

Avec une Constitution, un Parlement, un gouvernement, une armée et une police, le retrait progressif des soldats de l’armée régulière de Khartoum, le Sud-Soudan jouit désormais de toutes les prérogatives – ou peu s’en faut – d’un État. Qui plus est, outre le retrait progressif des soldats de l’armée régulière de Khartoum, il obtient un partage équitable des revenus du pétrole produit au Sud et une partie importante du pouvoir dans les institutions fédérales, avec l’accession de John Garang, chef de file de l’Armée populaire de libération du Soudan (SPLA), au poste de premier vice-président pendant la période transitoire d’autonomie prévue pour durer six ans (voir portrait pages 34-36).
L’accord de paix conclu le 9 janvier avec le régime soudanais est une victoire de la rébellion sudiste. Presque une libération pour une rébellion armée dont le combat est couronné de succès après trente-sept ans de guerre sur les quarante-neuf ans d’indépendance du pays. Tout au plus peut-on citer, entre autres exemples, celui d’Issayas Afewerki en Érythrée – Dahir Riyale Kahin du Somaliland n’étant pas (encore) reconnu par la communauté internationale.
Mais le Sud-Soudan n’est pas l’Érythrée. Et rien ne dit que Garang sera Emeka Ojukwu, dont la sécession au Biafra en 1967 a fait long feu après une guerre civile qui aura coûté un million de morts et duré deux ans et demi. Exactement le temps que la SPLA et Khartoum ont mis à négocier la paix. Le risque n’en reste pas moins réel. Tout dépend du référendum, prévu en juillet 2011, au cours duquel les populations décideront de leur avenir : indépendance ou maintien dans l’ensemble fédéral du Soudan.
Le choix serait simple si la tentation n’était déjà grande pour certains de rompre le cordon ombilical et pour d’autres de tuer dans l’oeuf toute velléité de sécession. D’autant que les soutiens aux boutefeux des deux bords ne manquent pas, qui vont des milieux chrétiens américains ultra-conservateurs aux islamistes de tout poil, adeptes impénitents de la charia. Le moindre mérite de John Danforth, l’envoyé spécial des États-Unis au Soudan, n’est pas d’ailleurs d’avoir su contenir l’un et l’autre camp. Même si le président George Bush pourrait ne pas tarder à présenter l’avènement de la paix comme une victoire dans sa croisade du Bien contre le Mal.
John Garang et Omar el-Béchir n’en sont pas là. Le premier parle du « meilleur cadeau de Nouvel An pour les Soudanais, pour notre région, pour l’Afrique ». Le second d’« un nouveau contrat pour tous les Soudanais ». Ni l’un ni l’autre ne prennent – pour le moment en tout cas – le partage du pouvoir pour un démembrement du pays qu’il faut, au contraire, s’atteler à construire. Tous deux s’accordent pour dire que la paix entre le Nord et le Sud constitue une nouvelle indépendance pour tout le Soudan.
Le Sud-Soudan, à cause de la guerre, est l’un des endroits les plus misérables de la terre. La majorité de sa population a fui les bombardements et les zones de conflit où sont installées les milices tribales progouvernementales. Aujourd’hui, et selon l’ONU, trois millions et demi de réfugiés, qui retournent dans leurs villages dévastés, ont besoin de l’aide internationale – comme en ont bénéficié les victimes du tsunami en Asie du Sud. Les grands travaux de reconstruction et de réhabilitation doivent commencer maintenant. Ce d’autant que les infrastructures – routes, électricité, eau potable, hôpitaux et écoles – sont quasiment inexistantes. Que faire ?
Le Soudan ne manque pas de moyens. Il produit quotidiennement 350 000 barils de pétrole – 200 000 barils de plus dès juillet prochain -, exportés pour l’essentiel vers la Chine, et affiche des réserves estimées à deux milliards de barils. N’est-ce pas le moment pour les compagnies pétrolières internationales de revenir dans le pays et de lui donner un coup de pouce pour favoriser son développement ? La réponse tarde à venir, car les multinationales attendent probablement la fin de la crise au Darfour avant de s’engager et laissent l’exploration et la production pétrolières aux mains des compagnies asiatiques.
Ce n’est pas tout. Khartoum figure sur la liste (dressée par la Maison Blanche) des États qui soutiennent le terrorisme. Cette situation empoisonne les relations bilatérales, et le pays est obligé de faire face à la double sanction des États-Unis et de l’Union européenne (UE). Car même si, le 2 janvier, l’UE a annoncé qu’elle était prête à soutenir le Soudan en lui octroyant une enveloppe de 400 millions d’euros – qui mettra ainsi fin à quatorze années de suspension de la coopération -, il n’en demeure pas moins que cette aide reste, peu ou prou, soumise au retour à la normale dans le Darfour.

La Matinale.

Chaque matin, recevez les 10 informations clés de l’actualité africaine.

Image

Contenus partenaires