Une catastrophe peut en cacher d’autres

Les lecteurs se félicitent de l’élan de solidarité en faveur du Sud asiatique. Mais déplorent que l’Afrique ne bénéficie pas de la même sollicitude.

Publié le 17 janvier 2005 Lecture : 4 minutes.

Deux poids deux mesures
J’adresse mes sincères condoléances aux familles des milliers de victimes innocentes de la catastrophe qui a ravagé le Sud-Est asiatique le 26 décembre, et je leur souhaite beaucoup de courage, car il n’est pas facile de reconstruire et de « se » reconstruire. Que soit sincèrement remerciée la communauté internationale qui, cette fois-ci, n’est pas restée les bras croisés. Les enfants doivent absolument être protégés, notamment des adoptions immédiates, car ils sont les plus vulnérables dans des situations pareilles. Pendant le génocide au Rwanda, des enfants ont été raflés sans aucun respect de la loi internationale. Un jour, ces enfants demanderont des comptes à leurs parents adoptifs. Je m’interroge sur la mobilisation spectaculaire de l’aide internationale. Est-il plus facile d’intervenir lors d’une catastrophe naturelle, car personne ne se sent ni responsable ni coupable ? Je suis moi-même une survivante du génocide rwandais. Est-ce parce que le génocide est un crime humain contre l’humanité que la remise en question est aussi difficile ? Qu’elle paralyse à ce point les médias et les politiques ? Comme tout citoyen j’ai respecté trois minutes de silence pour les victimes du tsunami. Comme je l’avais fait le 11 Septembre pour marquer mon respect envers tous ces morts innocents, manifester ma solidarité avec les survivants et inscrire ces victimes dans une mémoire collective afin de ne jamais les oublier. Pourquoi n’avons-nous jamais respecté un instant de silence pour les centaines de milliers de mères, d’enfants, de personnes âgées et d’hommes massacrés au Rwanda dans le silence et l’abandon ? Depuis 1994, le silence est celui de l’amnésie. Pourquoi deux poids deux mesures quand il s’agit des mêmes êtres humains ?

Où était Dieu ?
Mon cher Fouad Laroui, toi qui es un citoyen du monde, brillant intellectuel, tu te demandes dans ton « Post-Scriptum » du J.A.I. n° 2295, où était Dieu le 26 décembre 2004, et tu t’interroges aussi sur le pourquoi de cette catastrophe. Bien cher Fouad, Dieu ne t’a pas seulement créé, il s’est diversifié en milliards de créatures pour que sa création continue en se démultipliant. Tu es donc une divinité. En outre, il nous a donné un pouvoir créatif. Nos pensées sont donc créatrices et, surtout, elles ne se perdent jamais. Elles se regroupent par genre et quand le genre négatif l’emporte, cela dégage une force colossale, et nous créons des cataclysmes. Où était Dieu ? Mais, mon cher, une partie de Lui a perdu ses lunettes et courait dans l’escalier.

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Justice humanitaire
Je suis de ceux qui ont contribué, sous forme de don, à l’aide internationale pour l’Asie du Sud-Est. Cependant, je suis choqué qu’il n’y ait pas la même solidarité envers les populations africaines, décimées par le virus du sida et le paludisme. L’Allemagne a offert 500 millions d’euros pour l’Asie du Sud-Est. L’Afrique n’en demandait pas autant pour lutter contre ses principaux fléaux. J’apprécie l’acte humanitaire partout dans le monde, mais j’apprécie encore plus la justice pour tous.

Le petit bout de la lorgnette
Quelle surprise lorsque j’ai vu les premières images du tsunami sur les chaînes de télévision françaises. J’ai d’abord pensé que le raz-de-marée était arrivé sur la Côte d’Azur… Et pour cause : toutes les victimes filmées étaient occidentales ! Nous n’avons vu des images des victimes asiatiques qu’une semaine plus tard ! L’autre point qui m’a interpellé tient à la mobilisation sans précédent de l’aide internationale. Tant mieux pour l’Asie. Mais tout de même, quelle hypocrisie ! En Afrique, plusieurs millions de personnes meurent chaque année du sida, de la famine, de la guerre civile sans que cela émeuve les bonnes âmes occidentales. Que cela nous serve de leçon à nous autres Africains : notre salut ne peut venir que de nous-mêmes.

Nous sommes tous africains
On n’avait jamais vu un tel élan de solidarité pour une catastrophe humanitaire. Le raz-de-marée qui a balayé le Sud asiatique a mobilisé la communauté internationale, secouée par des images spectaculaires. Pourquoi cette solidarité planétaire, ô combien louable, ne joue-t-elle pas quand il s’agit de l’Afrique. Dans la région des Grands Lacs, n’y a-t-il pas eu vingt fois plus de victimes qu’en Asie ? Le tsunami a d’ailleurs touché les côtes africaines, mais les dégâts causés n’ont pas eu d’écho médiatique. Nous étions tous américains après le 11 septembre 2001, maintenant nous sommes tous asiatiques. Quand serons-nous tous africains pour mener une campagne efficace contre les maladies endémiques (sida, paludisme) qui ravagent le continent ?

Surenchère de bons sentiments
Que se serait-il passé si, parmi les victimes du tsunami, il n’y avait pas eu autant d’Occidentaux ? On a vraiment l’impression que ce sursaut mondial de solidarité vient du fait que beaucoup de ressortissants issus des pays riches sont morts dans la catastrophe. Et pourquoi cette surenchère quant à l’aide humanitaire promise ? On a la désagréable impression d’un concours de bons sentiments où chaque pays riche veut être le « meilleur » bienfaiteur. Pensons aux victimes du tsunami, mais n’oublions pas les autres pays touchés, chaque jour, par des catastrophes tout aussi terribles.

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