Toutes griffes dehors !

Fondée en 1999 par un jeune Malien de la banlieue parisienne, la marque à la panthère est aujourd’hui le deuxième équipementier sportif de France. Et n’entend pas s’arrêter en si bon chemin.

Publié le 17 janvier 2005 Lecture : 5 minutes.

Didier Drogba, Shabani Nonda, Christophe Dugarry, Daniel Van Buyten et Laurent Robert évoluant au sein du même club… Vous en rêviez ? Airness l’a fait, réunissant tout ce beau monde sous sa griffe. Plus que l’incarner, ces footballeurs hors pair lui ont véritablement donné vie et assuré une très forte notoriété. Créée en 1999 dans la Seine-Saint-Denis – le fameux 9-3, ou 9 cube -, Airness est aujourd’hui le dixième équipementier sportif mondial et le numéro deux en France, derrière Lacoste. Une success story remarquable dont la genèse se confond avec l’itinéraire du créateur de la marque, Malamine Koné.
Difficile d’imaginer, dans ses élégants bureaux parisiens, près des Champs-Élysées, que ce grand jeune homme de 33 ans a été enfant berger au Mali, avant de défier des géants tels que Nike, Adidas, Reebok ou Puma, leur grignotant toujours un peu plus de parts de marché : 200 000 pièces sont écoulées chaque mois à travers un réseau de 1 500 points de vente, pour un chiffre d’affaires de 45 millions d’euros en 2004, contre 30 millions d’euros en 2003. Le phénomène Airness n’est pas circonscrit à la banlieue. Les ventes en province dépassent de loin celles réalisées en Île-de-France, et la marque a pu habilement éviter la ghettoïsation, au point de déborder les frontières. Elle est notamment présente au Benelux, en Suisse et en Espagne.
Né à Niéna, un petit village situé à 600 km au sud-est de Bamako, Malamine Koné est élevé par sa grand-mère (ses parents ont émigré en France). Dès l’âge de 4 ans, il garde les moutons dans la brousse. Quand il rejoint ses parents à l’âge de 10 ans, il n’est jamais allé à l’école et ne parle pas un mot de français. Il grandit dans la cité des Francs-Moisins et intègre une classe francophone. Il obtient son baccalauréat, puis un DEUG de droit. Parallèlement, il pratique la boxe et décroche deux titres de champion de France amateur. Il est même présélectionné pour les jeux Olympiques d’Atlanta de 1996. Hélas ! sa carrière de boxeur est brisée par un grave accident de la route. Fauché par une voiture, il refuse l’amputation de la jambe et subit douze opérations chirurgicales. Il est obligé de raccrocher les gants. « Cet accident a été un mal pour un bien. Sans lui, jamais je n’aurais créé Airness », admet Malamine, qui est parti d’un constat simple : les cités lançaient la mode, laquelle était ensuite récupérée par les grands couturiers. Le jeune homme dessine lui-même les premiers modèles ainsi que le célèbre logo à la panthère, celle qui ornait ses peignoirs de boxe. Il emprunte quelques francs pour confectionner les premiers sweat-shirts qu’il place en dépôt-vente dans un magasin. Le soir même, ils sont tous vendus.
Si le succès est immédiat, la réussite de la marque doit pourtant beaucoup à une idée juridique astucieuse : en lisant les contrats des sportifs de haut niveau, Koné constate que ceux-ci ne sont liés à leur sponsor que sur les terrains ; il va donc les habiller en dehors des stades. Les meilleurs footballeurs français, dont beaucoup ont grandi dans les cités, acceptent de véhiculer l’image de la marque et lui assurent ainsi une belle publicité. Sa stratégie marketing repose sur la notoriété de ces ambassadeurs de prestige. L’impact est retentissant auprès des jeunes qui rêvent d’intégration par le sport depuis la victoire de l’équipe Black-Blanc-Beur, lors de la Coupe du monde de 1998. Sponsoriser un club de première division, devenir équipementier à part entière, telle était l’ambition du fondateur d’Airness… et il l’a réalisée : depuis l’année dernière, il fournit officiellement le Stade rennais en vêtements, ballons et chaussures. Il a notamment créé une ligne de basket baptisée « JPP 9 de coeur », en référence à l’association fondée par Jean-Pierre Papin à qui la marque reverse un pourcentage des ventes. En outre, Malamine vient de signer avec le FC Nantes pour au moins six saisons. Peut-être verrons-nous un jour le onze tricolore arborer les couleurs d’Airness au Stade de France, près de la cité des Francs-Moisins. Le sponsoring sportif ne se limite pas seulement à l’Hexagone : lors d’un séjour à Bamako, en avril 2004, Malamine est reçu par le président de la République malienne Amadou Toumani Touré, qui lui demande personnellement d’équiper les Aigles du Mali.
La marque, déjà présente dans les grandes enseignes de référence telles que Citadium ou Intersport, est appelée à de plus en plus de visibilité. En effet, les propositions de partenariat affluent, et Airness a entamé une stratégie de diversification tous azimuts : lunettes de vue et solaires sous licence avec Afflelou, ligne de papeterie distribuée en grande surface (Auchan, Carrefour, Leclerc), montres branchées, etc. À partir de 2005, la panthère va donc également apposer sa griffe sur les accessoires. Les ventes sont appelées à doubler entre 2005 et 2006 – les 45 millions d’euros annoncés pour l’exercice 2004 concernent la seule activité textile – pour dépasser 80 millions.
Malamine semble retirer davantage de fierté à montrer les lettres ou courriels d’encouragements et de félicitations qu’il reçoit qu’à annoncer un chiffre d’affaires pourtant spectaculaire. S’il vend du sportswear, il est aussi marchand de rêve : « Airness fait rêver les gosses. Les jeunes se disent que si j’ai réussi, eux aussi peuvent entreprendre et réussir en surmontant les barrières sociales. » Les garçons (mais également les filles) de 15-25 ans sont le coeur de cible de la marque, qui se veut mixte. Par son histoire, Malamine est très populaire parmi la jeune génération. C’est aussi le cas des footballeurs qu’il choisit d’habiller : ce sont des modèles auxquels les jeunes peuvent s’identifier, des sportifs qui « ont la gagne ». Cette popularité lui a d’ailleurs valu d’être nommé par le ministre de la Jeunesse et des sports, Jean-François Lamour, ambassadeur de la jeunesse en 2004 ; il a présidé, à ce titre, la Nuit des initiatives qui récompense les projets de jeunes talents.
L’ex-boxeur n’en est pas moins un redoutable homme d’affaires, dont la devise est « toujours plus haut, toujours plus fort ». Il gère directement l’ensemble des activités, de la conception à la commercialisation, en passant par le stylisme et la communication. Tout est fait en interne, à la différence de multinationales comme Nike ou Reebok, qui font appel à des prestataires spécialisés. Cette méthode semble si bien porter ses fruits que la marque paie le prix de son succès ; à l’instar de Vuitton, Chanel ou Lacoste, elle est à son tour victime de la contrefaçon : 1 500 faux Airness ont été découverts par la gendarmerie il y a quelques semaines. La rançon de la gloire, en somme !

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