Sida, no !

Dans ce pays où rien, ou presque, ne marche, les autorités sont parvenues à mettre en place une politique de prévention véritablement efficace.

Publié le 17 janvier 2005 Lecture : 3 minutes.

Développement rapide du tourisme sexuel, conséquences de l’embargo commercial imposé depuis près d’un demi-siècle par les États-Unis, manque de moyens de l’État, dégradation d’un système de santé jadis tributaire de l’aide soviétique… Toutes les conditions semblaient réunies pour que Cuba soit frappée de plein fouet par le sida. Or, dix-huit ans après l’apparition des premiers cas de la maladie, force est de constater qu’en matière de prévention et de lutte contre l’épidémie le pays de Fidel Castro s’en tire beaucoup mieux que ses voisins, États-Unis compris. « Ici aussi, l’infection a progressé, admet Paloma Cuchi, responsable de l’Onusida pour l’Amérique latine, mais beaucoup moins qu’à Saint-Domingue, en Haïti, à la Jamaïque ou à Porto Rico. »
Dans les Caraïbes, deuxième région la plus touchée au monde par le virus, le taux de prévalence moyen du VIH chez les adultes âgés de 15 ans à 45 ans est de 2,3 %. À Cuba, selon l’Organisation mondiale de la santé (OMS), il est inférieur à 0,1 %. « Six fois moins qu’aux États-Unis », souligne le New York Times, pourtant peu suspect de castrisme débridé. Le quotidien se demande même si la mise en quarantaine des premières personnes infectées – une mesure qui, à la fin des années 1980, avait soulevé l’indignation de la communauté internationale – n’a pas été, en fin de compte, une bonne méthode de prévention.
De nombreuses ONG ne sont pas loin d’en être convaincues. Elles rappellent qu’à l’époque l’aide soviétique venait d’être interrompue, que le pays manquait de tout, notamment de médicaments, et que cette disposition drastique a sans doute empêché une propagation de l’infection. « L’isolement n’était pas systématique, raconte un universitaire canadien qui visita le sanatorium de Santa Clara en 1993. Les malades étaient soumis à un examen psychologique pour évaluer la conscience qu’ils avaient de la gravité de leur état. Ils étaient alors classés en trois catégories. Ceux qui comprenaient leur situation et les risques qu’ils faisaient courir aux autres, soit environ 80 % des malades, pouvaient entrer et sortir à volonté de l’établissement. Ceux qui faisaient preuve d’immaturité ou d’inconscience, soit 10 % d’entre eux, ne sortaient qu’accompagnés par un étudiant en médecine. Seuls ceux qui étaient considérés comme dangereux, en raison de leur absence de scrupule ou de leur volonté délibérée de nuire, étaient effectivement mis en quarantaine. »
Aujourd’hui encore, les séropositifs sont placés dans des établissements où ils reçoivent, pendant trois ou six mois, un traitement adapté et bénéficient de conseils sur la manière de vivre avec le virus en évitant de le transmettre. Quand ils quittent l’hôpital, ils continuent d’être suivis par des professionnels de la santé.
« Cuba a été l’un des premiers pays à prendre au sérieux le problème du sida et à mettre en oeuvre une politique de prévention d’autant plus efficace qu’elle s’ajoutait à la gratuité des soins en vigueur dans ce pays », reconnaissait Peter Piot, le directeur exécutif de l’Onusida, en avril 2003. Ce système a permis d’identifier les différents partenaires sexuels des personnes infectées et de leur faire subir des tests. Les femmes enceintes et les Cubains de retour d’Afrique ont été particulièrement « ciblés ». Par ailleurs, de nombreuses campagnes d’information et de sensibilisation ont été menées par les médias. Dès 1983, avant même la détection du premier cas d’infection, une Commission nationale sur le sida a été mise en place.
Reste le plus important : la recherche médicale. En dépit de l’embargo et des pénuries diverses, les spécialistes sont parvenus à mettre au point un « cocktail » de médicaments (les antirétroviraux cubains) qui permet, après seulement dix-huit mois de traitement, de ramener la charge virale du malade à des niveaux indétectables.
Cuba est aujourd’hui l’un des rares pays en voie de développement capable de fournir gratuitement une gamme complète de médicaments aux personnes vivant avec le VIH. Lesquels sont même vendus, à très bas prix, dans toutes les Caraïbes, en Amérique latine et en Afrique. Au Botswana, par exemple, où le taux d’infection est le plus élevé du monde et où travaillent de nombreux médecins cubains.

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