Scènes de la mort quotidienne
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Le général Amer Ali Nayef, chef adjoint de la police de Bagdad, et son fils, le lieutenant Khaled Amer, se rendaient à leur bureau à Dora, bien à l’abri, pensaient-ils, dans leur voiture banalisée. Pour les deux véhicules qui les suivaient, ils étaient loin, pourtant, d’être des automobilistes anonymes. Les tueurs qui les occupaient connaissaient parfaitement la plaque d’immatriculation et l’identité des passagers. Plusieurs rafales de kalachnikov ne tardèrent pas à en apporter la preuve.
À quelques kilomètres de là, au commissariat de police de Zafarniyah, à Bagdad, un attentat-suicide tuait quatre policiers et en blessait dix autres. L’auteur de l’attentat, arrivé au volant d’une voiture de police, avait choisi de se faire sauter au moment de la relève des équipes, pour qu’il y ait davantage de victimes. Une dizaine d’attentats-suicides de ce type sont commis chaque semaine en Irak.
Peu auparavant, le gouverneur de Bagdad, Ali al-Haidari, avait été abattu, ainsi que six de ses gardes du corps. L’itinéraire de son déplacement était censé n’être connu que de la police. Une bombe avait été également déposée sur l’autre itinéraire prévu au cas où Haidari aurait changé d’avis à la dernière minute.
Trois scènes de la mort quotidienne en Irak rapportées par Robert Fisk, correspondant du quotidien britannique The Independent au Moyen-Orient et son envoyé spécial à Bagdad. Il est clair, selon lui, que les forces de sécurité irakiennes, pourtant triées sur le volet par les Américains, ont été infiltrées par les insurgés et que, à quelques jours des élections du 30 janvier, ces derniers multiplient les coups spectaculaires, sinon pour empêcher que ces élections aient lieu, du moins pour les torpiller au maximum.
« Tout se passe, écrit Fisk, comme si ce scrutin était organisé plus pour répondre aux préoccupations des étrangers – et en particulier MM. Bush et Blair – que pour améliorer le sort des Irakiens. Bush et Blair, me disait un Bagdadi, ne sont pas obligés, eux, de supporter les conséquences de la démocratie dont ils veulent nous faire profiter. » Autre confidence d’un ami de Fisk : « Ils veulent que je vote, mais ils sont incapables de me protéger. Peut-être qu’il n’y aura pas d’attentat-suicide à mon bureau de vote. Mais je serai repéré. Et qui peut me garantir que je ne recevrai pas une grenade chez moi trois jours plus tard ? Les Américains diront qu’ils ont fait leur maximum, les amis d’Iyad Allaoui que je suis un « martyr de la démocratie ». Vous croyez que tout ça me donne envie de voter ? »
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