Quand les Sénégalais se mettent à leur compte

Première mutuelle pour immigrés, la Mecsef propose à ses adhérents moult formules de financements.

Publié le 17 janvier 2005 Lecture : 3 minutes.

Les Sénégalais de France s’organisent. Ils viennent de créer un outil capable de répondre à leurs besoins de financements : la Mutuelle d’épargne et de crédit des Sénégalais de France (Mecsef). Mise en place à l’initiative de la Poste du Sénégal, son siège social se trouve à Dakar, et elle est hébergée à Paris par la Fédération des associations franco-africaines de développement (Fafrad).
L’idée, collective, émane du Comité de suivi du symposium sur les Sénégalais de l’extérieur, créé en 2001 et rassemblant plus de soixante-dix associations. « La Mecsef est la première mutuelle pour immigrés, explique Khady Sakho Niang, sa dynamique présidente, informaticienne installée en France depuis 1978. Ces derniers sont confrontés aux préjugés et peinent à obtenir des crédits, que ce soit en France ou au Sénégal. La précarité de l’emploi, les faibles revenus, parfois l’absence de salaire lorsque la personne travaille dans l’informel. Cela fait peur ! Or beaucoup d’immigrés sont solvables même s’ils ne peuvent montrer un bulletin de salaire, et ils sont capables d’épargner. »
Après une assemblée générale en avril 2004 et l’adhésion des premiers membres, les différents comptes ont été ouverts en octobre : le Compte épargne bloquée (cinq ans minimum, avec un versement mensuel de 20 euros) et le Compte épargne à vue, un compte courant qui peut être utilisé comme moyen de transfert d’argent. Les membres ont accès au Crédit projet (15 000 euros), au Crédit dépannage (1 000 euros) « pour les petits coups durs » et au Crédit voyage (3 000 euros) pour les familles qui désirent planifier un déplacement. Suivent le Crédit apport personnel logement (10 000 euros) et le Crédit études (15 000 euros). Il y a aussi deux plans d’épargne, pour le logement et les études.
Pour adhérer à la Mecsef, il faut être sénégalais et vivre en France, verser un droit d’adhésion de 50 euros et souscrire au minimum à une part sociale de 50 euros. La Mecsef aide également les non-Sénégalais qui veulent monter un projet au Sénégal : ils ne pourront pas être membres, mais bénéficieront des services de conseil de la Mutuelle.
« La Mecsef, c’est la fierté de subvenir à nos besoins et la volonté de valoriser nos apports financiers au pays, indique la présidente. Cette solidarité financière constitue une force. Les transferts d’argent des migrants dépassent le montant de l’Aide publique au développement, mais l’épargne n’est pas valorisée et les projets n’ont aucune visibilité. L’argent envoyé aux familles est tout de suite dépensé. La Mutuelle met l’accent sur les projets longue durée qui créent des emplois sur place. Nous disons : au lieu de donner un billet à ton frère tous les mois, ouvre-lui un petit télécentre. Il sera autosuffisant, aidera la famille et n’aura plus envie d’immigrer… »
« Les pouvoirs publics du Sénégal sont très réceptifs, et les partenaires ne manquent pas : ministère français des Affaires étrangères, ministère sénégalais de l’Entreprenariat féminin et de la Microfinance, Agence française de développement, Société générale des banques du Sénégal… » De trente membres en avril, la Mecsef est passée à une centaine. Le potentiel est important : selon les chiffres officiels, il y aurait entre 40 000 et 60 000 Sénégalais en France. Khady Sakho Niang parle de 100 000. Et, parmi eux, elle espère bien attirer un maximum de femmes : « Leurs initiatives réussissent. Regardez la dynamique des tontines* ! Nous organisons déjà des tournées à travers la France pour aller à la rencontre des associations féminines. Je reçois des demandes de partout… » Signe des temps, les Sénégalais des États-Unis ont également lancé leur mutuelle, quasiment au même moment. En Espagne et en Italie, les représentants des associations sénégalaises ont contacté Khady. « Notre but, conclut-elle, est de constituer un réseau de mutuelles pour enfin créer une Banque des Sénégalais de l’extérieur qui aurait son siège à Dakar et des bureaux dans chaque pays. »

*Association de personnes qui se retrouvent à des périodes d’intervalles plus ou moins variables afin de mettre en commun leur épargne en vue de la solution des problèmes particuliers ou collectifs.

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