À Lomé, la vie continue

Publié le 17 janvier 2005 Lecture : 3 minutes.

En Afrique, l’immobilisme politique n’a jamais empêché la société de fonctionner. Au
contraire, les difficultés ont toujours, semble-t-il, agi comme des catalyseurs. Le Togo n’échappe pas à cette règle. Si le citoyen lambda ne descend plus manifester dans la rue,
il s’affaire qui dans son atelier de création, qui dans son association, qui dans sa radio. Tous ces acteurs du Togo d’aujourd’hui et de demain veillent à façonner un
pays où il peut faire bon vivre.

Le designer Kossi Assou est l’un d’entre eux. Originaire de Côte d’Ivoire, cet artiste de 46 ans se définit avant tout comme « un entrepreneur culturel », et milite pour que sa discipline soit reconnue à Lomé comme sur le reste du continent africain. Pour ce faire, il crée en 1992 l’association Ewolé, ce qui signifie « Nous sommes là » en baoulé. En organisant tous les deux ans des ateliers-résidences, il parvient à redonner à l’art ses
lettres de noblesse dans un pays malmené par la crise. L’art comme échappatoire ? En tout cas, Kossi Assou ne s’est jamais dérobé. À preuve encore, dès février prochain, il organise la VIIe édition des Rencontres et résidences internationales d’arts visuels.
Pendant près d’un mois, Lomé et Togoville vont vivre au rythme de l’inspiration des créateurs. Le plasticien-designer a également réussi à faire venir l’exposition Design made in Africa, qui a été présentée pour la première fois lors du Salon international de l’artisanat africain de Ouagadougou (Siao), au Burkina, en novembre denier.
Si Kossi Assou essaie d’offrir un peu de rêve, Suzanne Aho Assouma garde pour sa part les pieds bien sur terre. Ceux qui la connaissent l’appellent « Mère Térésa » ou la « Mère des déshérités ». Car la ministre de la Santé ne se contente pas d’étudier les dossiers depuis son bureau climatisé. Elle est toujours par monts et par vaux. Dans les villages reculés, pour sensibiliser les populations sur le risque que représente le sida, ou dans les allées du grand marché de la capitale, où elle harangue les vendeurs de médicaments illicites. Suzanne Aho Assouma est une femme de terrain assistante sociale de profession
et se revendique comme telle. C’est à elle que l’on doit le service social du tribunal de Lomé. C’est elle aussi qui codifia les procédures d’adoption pour mettre un terme au
trafic d’enfants. C’est elle encore qui créa le Comité pour la scolarisation des jeunes filles ainsi qu’une association de réinsertion des enfants des rue. D’ailleurs, son engagement auprès des jeunes a été vite remarqué. En 1993, cette mère de trois garçons est nommée directrice générale de la Protection de l’enfance, un service rattaché au ministère des Affaires sociales, avant d’être promue ministre en 2002. Depuis qu’elle occupe cette fonction, Suzanne Aho semble avoir redoublé d’énergie et de détermination. Elle a ouvert des dossiers longtemps négligés. Malgré la multiplicité des tâches, la ministre se démène inlassablement pour que les Togolais, laissés exsangues par des années de crise, restent en bonne santé.
C’est le genre de femmes auxquelles Peter Dogbé a voulu rendre hommage en créant Nana FM, une radio qui leur est destinée. Située à l’origine au cur du grand marché de Lomé, la station se fait l’écho des « nanas » de la ville, et notamment des revendeuses de pagne. Ces dernières non plus ne baissent pas les bras, malgré les taxes, la concurrence chinoise et la mode des pantalons. Elles continuent à conduire leur Mercedes Benz et à lutter pour conserver ce privilège. Ne sont-elles pas à l’origine de la plainte déposée
contre les contrefaçons de wax importées de Chine ? Finalement, la Vlisco African Company s’est résolue à suivre ces femmes de tête, qui se battent pour défendre leur gagne-pain.
Certes, la reprise de la coopération avec l’Union européenne réjouit les Togolais « d’en bas » ; ils pourront ainsi mettre un peu de beurre dans le fu fu. Mais qui prétend qu’ils avaient arrêté de vivre, de rêver, de mettre sur pied des projets ? Ils n’ont attendu personne pour poursuivre l’édification de « leur » Togo.

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