La mort de Lénine

Publié le 17 janvier 2005 Lecture : 3 minutes.

Depuis sa mort, il y a 81 ans, on applique à la dépouille de Vladimir Ilitch Oulianov, dit Lénine, un procédé de conservation… révolutionnaire ! Sous une lumière pastel, seuls le visage et une main émergent. Difficile de distinguer la chair (s’il en reste) de la cire… Cet athée exposé comme un dieu dans son mausolée du Kremlin, sur la place Rouge, à Moscou, aurait pourtant exprimé le voeu plus modeste d’être inhumé à Saint-Pétersbourg.
« Ne laissez pas [ce] deuil prendre la forme d’une vénération de la personne d’Ilitch… Il y attachait si peu d’importance et cela lui pesait si lourdement… », s’insurgea sa veuve, Nadejda Kroupskaïa, le 30 janvier 1924 dans la Pravda.
Neuf jours plus tôt, le père de la révolution russe d’octobre 1917, fondateur de la République des soviets (qui deviendra l’Union soviétique en 1922) s’était éteint à Gorki, muni des derniers sacrements de sa chapelle : on venait de lui lire les procès-verbaux de la XIIIe conférence du Parti communiste… On ne sut jamais ce qu’il en pensa : frappé depuis mai 1922 par une série d’attaques cérébrales, il avait perdu l’usage de la parole.

Autour de l’hémiplégique, les ambitieux se disputaient l’héritage. D’un côté, Léon Trotski, le fondateur de l’Armée rouge, de l’autre Joseph Staline, le secrétaire général du PC. Dans des notes qualifiées improprement de « testament », l’illustre malade les avait jaugés. Trotski était brillant, mais infatué de lui-même ; Staline, trop brutal, devait être écarté. Vaine prémonition : les crimes de ce dernier allaient, plus tard, nourrir un débat passionné. Constituaient-ils une perversion de l’idéologie communiste ou s’inscrivaient-ils dans la continuité de l’oeuvre de Vladimir Ilitch ?
Nombreux sont ceux qui répugnent à reconnaître une filiation entre cet intellectuel et le fruste Géorgien. Chez Lénine, le théoricien, auteur de Que faire ? ou des Thèses d’Avril, éclipse souvent le dictateur, prophète d’une révolution mondiale à laquelle personne ne croit plus.
Né en 1870 à Simbirsk, sur la Volga, dans une famille de la petite bourgeoisie, Lénine est arraché, à 16 ans, à une existence douillette par la mort de son père et la pendaison de son frère, qui avait voulu assassiner le tsar. Avocat, il fréquente des jeunes marxistes et des ouvriers, étudie les ouvrages de Marx, Engels et Plekhanov. Déporté en Sibérie, il prépare la révolution depuis l’étranger : Munich, Prague (où le parti bolchevik est créé, en 1912), la Suisse… Lénine regagne la Russie en février 1917, à la faveur de la révolution « bour-geoise » et profite du désordre et de la guerre mondiale pour organiser l’insurrection avec, pour seuls bataillons, deux cent mille bolcheviks. Il impose un gouvernement minoritaire (mais autoproclamé majoritaire) débarrassé de toutes les tendances, y compris de gauche.
Pour consolider son régime menacé par la contre-révolution des « Blancs », il négocie avec l’Allemagne un armistice et organise le « communisme de guerre ». Tous les partis sont interdits à l’exception du Parti communiste (successeur du parti bolchevik). Les libertés sont suspendues et la police secrète, la Tchéka, fait régner la terreur. L’industrie est nationalisée, les paysans sont contraints de livrer leur production à l’État. Résultat : elle s’effondre et la famine fait rage… Lénine le pragmatique change de cap.

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En 1921, avec la Nouvelle économie politique (NEP), il fait cohabiter le socialisme avec le capitalisme honni. Les paysans sont autorisés à vendre une partie de leurs surplus et le droit à l’héritage est rétabli. La planification débute, mais les usines d’État sont un peu plus autonomes. À sa mort, Lénine lègue au pays des structures fédérales et une curieuse conception de la démocratie puisqu’il revenait, selon lui, à l’avant-garde du prolétariat d’exercer, au nom de ce dernier, la dictature au sens propre du terme.

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