Tunisie : le président Kaïs Saïed, une énigme à l’international
Avec Kaïs Saïed à la tête de l’État tunisien, les chancelleries occidentales sont désarçonnées. L’homme voyage peu, est en guerre contre une partie du ministère des Affaires étrangères et rechigne à recevoir les ambassadeurs à Carthage.
« Sur son territoire et en dehors, la Tunisie a un seul président », a insisté le chef de l’État à l’occasion de ses vœux de l’Aïd au peuple tunisien. Une lapalissade ? Non, assurément. En insistant sur ce qui sonnerait comme une évidence, Kaïs Saïed adressait en réalité un avertissement à Rached Ghannouchi, soupçonné de se comporter à l’international tel un président bis. Sous prétexte d’une diplomatie parlementaire aux contours encore indéfinis, le président d’Ennahdha œuvrerait à faire avancer les intérêts de ses alliés au Parlement.
En janvier, le président de l’Assemblée des Représentants du Peuple (ARP) avait ainsi été reçu en grande pompe en Turquie par Recep Tayyip Erdogan. Une image qui avait ulcéré Carthage. Deux mois plus tard, le même Ghannouchi a participé à une conférence internationale organisée par le Qatar avec des frères musulmans, avant de profiter plus récemment d’une communication téléphonique avec le Premier ministre libyen, Fayez al Sarraj, pour le féliciter de la reprise de la base stratégique d’al-Witya des mains de Khalifa Haftar. La conversation a passablement embarrassé la diplomatie tunisienne, qui tient à sa neutralité sur ce dossier et se refuse de choisir entre Tripoli et Benghazi.
L’épisode a particulièrement mis en lumière la conduite des Affaires étrangères depuis l’élection de Kaïs Saïed en octobre 2019. L’ancien enseignant de droit constitutionnel, très attaché aux principes de légitimité et à la légalité, était particulièrement attendu sur ce chapitre, tant sa victoire, pourtant annoncée par les sondages, avait pris de court les chancelleries. Avec deux ambassadeurs dans son pré-carré — Tarek Bettaïeb au poste de chef du cabinet et Abderraouf Betbaïeb comme ministre-conseiller –, le nouveau mandat semblait s’inscrire sous le sceau de la diplomatie, prérogative exclusive — avec la sécurité du territoire — du président de la République. Il n’en a rien été.
« Tunis ne répond plus »
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