[Tribune] Il faut un audit avant d’annuler les dettes africaines
Pour le député sénégalais Mamadou Lamine Diallo, la réputation et l’indépendance du continent risqueraient de souffrir d’une annulation pure et simple de la dette publique des États.
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Mamadou Lamine Diallo
Économiste sénégalais, Mamadou Lamine Diallo est député du Mouvement Tekki, dont il est le fondateur.
Publié le 3 juin 2020 Lecture : 2 minutes.
Alors que la crise économique va s’installer pour un temps, le débat sur les politiques économiques post Covid-19 est lancé. Avec une question centrale : comment traiter la dette de l’Afrique après le choc provoqué par l’épidémie ? Des initiatives sont prises pour engager le continent dans une bataille pour l’annulation de la dette publique des États. Il s’agit là d’une vieille revendication de la société civile, notamment altermondialiste, qu’il convient de reformuler en prenant en compte les limites de cette solution ainsi que les enseignements de deux initiatives de la communauté internationale.
Il n’y a pas de « free lunch » dans l’économie mondiale
Il est tout d’abord surprenant que l’Afrique, qui revendique une forte croissance économique cumulée de plus de 6 % sur les dernières années, demande l’annulation de sa dette. En effet, le cas échéant, quelle serait la contrepartie pour les créanciers ? Tout le monde sait qu’il n’y a pas de « free lunch » – de repas gratuit – dans l’économie mondiale.
Ainsi, après la réalisation des objectifs des programmes d’ajustement structurel, les États africains ont été engagés dans des projets d’infrastructures favorables aux firmes occidentales, chinoises ou turques. Par ailleurs, un autre point problématique émergerait si toute la dette africaine était annulée. En vertu du principe d’égalité des créanciers, quel serait alors le sort réservé, par exemple, à la BAD ?
Identifier la dette « non utile au développement »
Voyons, ensuite, l’apport des initiatives de la communauté internationale. Il s’agit, d’une part, de la création du groupe piloté par l’ancien président de l’Afrique du Sud, Thabo Mbeki, pour évaluer l’ampleur des flux financiers illicites sortant du continent. Le montant, estimé entre 50 et 60 milliards de dollars par an, dépasse la valeur de l’aide publique au développement.
Or, jusqu’ici, aucun mécanisme n’a été mis en place pour mettre fin à ces sorties de capitaux. Au contraire, on a signalé des sorties plus intenses depuis l’apparition du Covid-19. Il faut, d’autre part, mentionner le résultat d’un autre groupe de travail, dirigé il y a quelques années par le Premier ministre anglais Tony Blair et consacré aux ressources minérales, ayant abouti à la mise en place de l’Initiative pour la transparence dans les industries extractives (ITIE).
La part de la dette qui n’a pas contribué au développement du continent devrait être annulée
Au regard de ces deux expériences, je formule une proposition alternative pour l’Afrique, qui préserverait à la fois sa réputation et son indépendance. Il s’agit de constituer un groupe pour réaliser un audit de la dette africaine sous l’égide de la communauté internationale. Ce groupe pourrait, par exemple, être piloté par l’ancien président américain Barack Obama et bénéficier de l’appui des institutions pertinentes sur le sujet, à savoir la Banque mondiale, le FMI, l’organisation non-gouvernementale Transparency International, et de personnalités d’Afrique, telles que l’Ivoirien Tidjane Thiam, de Chine et d’Europe.
L’audit mené devrait déterminer la part de la dette qui aura servi au développement économique et social du continent et celle qui n’y aura pas contribué. Cette dernière, non utile pour le développement, serait annulée. Enfin, le groupe chargé de l’audit proposerait des mécanismes concrets capables de mettre fin aux flux financiers illicites et aux accords secrets dans la gestion des ressources minérales de l’Afrique.
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