[Chronique] Côte d’Ivoire : les vaccins boycottés à cause de fake news
Des rumeurs ont fait baisser la couverture vaccinale de 10 % en avril et mai, par rapport à la même période en 2019.
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Damien Glez
Dessinateur et éditorialiste franco-burkinabè.
Publié le 3 juin 2020 Lecture : 2 minutes.
Paradoxe : une infox sur ce qui pourrait tuer peut devenir elle-même létale. Comme bien des pandémies, le coronavirus a instantanément traîné derrière lui son florilège de « fake news ». Les rumeurs attribuaient des vertus préventives ou curatives à toutes sortes d’ingrédients ou de conditions environnementales : l’ail à consommer sans modération, l’eau de javel à s’injecter sur conseil « trumpiste », le cannabis à fumer sans complexe ou encore la canicule à « déclimatiser ».
Or, tout débat sur une épidémie inédite fait invariablement surgir le mot « vaccin ». En attendant un miracle préventif spécifique, on glose sur les anciennes préparations prophylactiques, leurs présumés effets vertueux ou vicieux sur le nouveau fléau.
Baisse de 10 %
Le Covid-19 n’a pas dérogé à la règle des infos contradictoires. D’un côté, les hypocondriaques optimistes ont tôt fait de répandre l’idée que le vaccin contre la pneumonie protégeait du coronavirus. « Rumeur », trancha l’Organisation mondiale de la Santé (OMS) en rappelant qu’un vaccin ne pouvait prévenir qu’une infection par les micro-organismes contre lesquels il avait été conçu. Et ceci même quand la pandémie semble « parentée » avec des grippes ou des pneumonies anticipées, elles, par des traitements préventifs.
À l’inverse des crédules impatients, des sceptiques indécrottables ont mis les vaccins à l’index. C’est en Côte d’Ivoire, ces derniers jours, que le Programme élargi de vaccination (PEV) a annoncé une baisse de la couverture vaccinale de 10 % en avril et mai, par rapport à la même période en 2019. Sont notamment concernés le vaccin contre la rougeole et la troisième dose de pentavalent qui prémunit contre la diphtérie, le tétanos, la coqueluche, l’hépatite virale B et l’Haemophilus influenzae.
Infox complotiste ?
Si les causes de cette désaffection peuvent être plurielles – comme la peur de se rendre dans des dispensaires en période de confinement -, une infox complotiste pourrait faire partie des explications. Il y a deux mois, la rumeur d’un soi-disant projet de tests de vaccin contre le Covid-19 en Afrique a commencé à se répandre.
Théorie sans fondement tout de même « viralisée » par une séquence télévisuelle française, le 1er avril, où deux chercheurs évoquaient l’opportunité de tester un vaccin sur le continent jugé « à risque » du fait de la fragilité de son système de santé. Et les téléspectateurs distraits de comprendre que ledit test –par ailleurs infirmé– pourrait être administré à des cobayes persuadés de recevoir un vaccin classique. #nonauvaccinenafrique, #pasdetestdevaccinenafrique, #lafriquenestpasunlaboratoire, #jenesuispasuncobaye… Les réseaux sociaux grouillaient alors de publications mettant en garde contre des vaccins « empoisonnés » qui seraient secrètement testés ou injectés sur le continent.
Si la rumeur persistait plusieurs mois, le PEV prédit de graves conséquences, comme la résurgence possible d’anciennes épidémies. Chaque année, le PEV vaccine, entre autres, un million de nourrissons et plus d’un million de femmes enceintes. Des statistiques sans aucune mesure avec les 33 décès officiellement liés au Covid-19 en Côte d’Ivoire.
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