Une amie du Rwanda

Rosamond Carr est décédée le 29 septembre, à l’âge de 94 ans. Elle avait dédié la fin de sa vie aux orphelins du génocide.

Publié le 16 octobre 2006 Lecture : 2 minutes.

Elle avait tout de l’Old Lady du siècle dernier, l’il vif et le propos charmant, une élégance et des manières so chic : on l’imaginait plus à l’aise dans un cocktail mondain que dans la moiteur de la région des Grands Lacs. Et pourtant Rosamond Carr était américaine et vivait depuis près de cinquante ans au Rwanda, où elle est décédée le 29 septembre à l’âge de 94 ans.
Dans ses Mémoires*, elle relate quel destin exceptionnel fut le sien, jeune fille née à South Orange (New Jersey) en 1912 dans une famille de la haute bourgeoisie financière de Manhattan. Lorsque son père, banquier, perd toute sa fortune dans le krach de 1929, Rosamond Halsey abandonne les country clubs pour chercher du travail.
Devenue styliste, elle connaît un certain succès en arrangeant les vitrines de mode des grands magasins new-yorkais. En 1941, la jeune Rosamond, qui habite Madison Avenue, est invitée à une projection privée d’un film sur l’Afrique, tourné par le chasseur et aventurier Kenneth Carr. Celui-ci baroude sur le continent depuis vingt-huit ans. Coup de foudre. Mariage. Et désillusion : ce n’est pas la jeune femme glamour qui regrette sa vie, mais Carr qui n’est pas à la hauteur des rêves de son épouse. Renfermé, introverti, il est également sans le sou. De petits jobs en boulots éphémères, la situation financière du couple se dégrade. En 1949, ils s’embarquent sur un cargo pour l’Afrique de l’Ouest, poursuivent jusqu’au Congo, puis remontent le fleuve vers Stanleyville (aujourd’hui Kisangani) avant de rallier, en voiture, le Rwanda.
La vie africaine ne resoude pas le couple pour autant. Après son divorce, Rosamond s’achète une plantation de fleurs à Mugongo, au pied des volcans de la Virunga. Elle va y vivre pendant quarante ans. En 1947, elle rencontre une compatriote nommée Dian Fossey, qui vit au milieu des gorilles, dans les montagnes. Leur amitié ne s’éteindra qu’à l’assassinat de Dian, en 1985.
Le 6 avril 1994 éclate le génocide. Rosamond cache chez elle ses employés tutsis, puis bientôt une quinzaine de fuyards terrorisés. Mais quand les Interahamwes font irruption dans la maison, elle ne peut rien faire pour les protéger. Ils sont massacrés jusqu’au dernier. Elle est évacuée in extremis par le personnel de l’ambassade des États-Unis avec, dans le cur, un amer sentiment d’impuissance mêlé de trahison. Une fois sur le sol américain, elle n’a de cesse de repartir et, dès août 1994, retourne dans sa propriété dévastée qu’elle transforme bientôt en orphelinat pour les jeunes rescapés du génocide. En 1998, l’insécurité la contraint à déménager ses quelque 120 enfants vers Gisenyi. Elle repose aujourd’hui sous ses fleurs, dans le jardin de sa petite maison de Mugongo.

* Le Pays aux mille Collines, Ma vie au Rwanda, Petite bibliothèque Payot, 2004, 354 pages.

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