Quand la France délocalise

Après beaucoup d’autres, le groupe d’assurance Axa va transférer au Maroc une partie de ses centres d’appels et de ses services administratifs.

Publié le 16 octobre 2006 Lecture : 3 minutes.

En annonçant le 25 septembre son intention de créer 1 500 emplois au Maroc d’ici à 2012, Axa, le leader mondial de l’assurance, a brisé un tabou dans le monde de la finance française : celui des délocalisations. Ce type d’opération est d’autant plus mal vu ici que la santé des banquiers et des assureurs est florissante. Axa, en particulier, a enregistré en 2005 une augmentation de 23 % de son résultat courant, à 4,1 milliards d’euros.
Pourtant, Henri de Castries, le président de son directoire, n’a nulle intention de bouleverser ses plans, quitte à ternir quelque peu « l’image citoyenne et responsable » dont se prévaut volontiers son groupe. La société va notamment profiter du « papy-boom » pour réduire ses effectifs : 4 500 de ses 14 000 salariés partiront à la retraite dans un délai de six ans et un tiers d’entre eux ne seront pas remplacés. Les 3 000 salariés recrutés le seront pour moitié en France et pour l’autre au Maroc, grâce à la délocalisation d’une partie des centres d’appels et des services administratifs.
Aux protestations des syndicats, Axa oppose deux arguments. D’abord, la délocalisation au Maroc permettra de diviser par deux ou trois le volume des salaires. Soit une économie de 75 millions d’euros par an (plus une exonération de charges pendant deux ans pour l’embauche d’un jeune diplômé au chômage). Ensuite, le blocage des négociations sur l’ouverture des centres d’appels jusqu’à 20 heures et le week-end. Bref, l’assureur a trouvé dans le royaume, des coûts salariaux et une flexibilité du travail sans commune mesure avec les normes françaises.
Un téléopérateur au Maroc coûte, charges comprises, 450 euros par mois et travaille en moyenne 44 heures par semaine. Fort peu contraignante, la législation marocaine autorise en outre le travail de nuit et pendant le week-end, sans surcoût salarial excessif. On comprend la soudaine passion des entreprises françaises pour les pays du Maghreb ! D’autant que ces derniers sont géographiquement et culturellement proches. Selon Éric Dadian, le président de l’Association française des centres de contacts et de relation client (AFRC), les délocalisations sont à l’origine, dans son secteur d’activité, de la création de 15 000 emplois en Afrique du Nord. À en croire la société d’études Datamonitor, le nombre d’emplois dans les centres d’appels délocalisés dans cette région devrait passer de 7 800 en 2005 à 23 000 à l’horizon 2010.
« Les centres d’appels offshore ne sont quand même pas un eldorado », tempère Dadian. Imbattables sur le prix de la prestation, ces derniers sont parfois moins performants pour la qualité des services. Après l’euphorie des débuts, certaines entreprises ont d’ailleurs fait machine arrière. C’est notamment le cas des Taxis bleus. En octobre 2002, la compagnie avait engagé un partenariat avec un centre d’appels de Rabat afin de soulager son central de réservations parisien. Mais, très vite, il a fallu déchanter. Les jeunes téléconseillers marocains chargés de gérer les demandes de taxis se prenaient fréquemment les pieds dans le tapis et oubliaient de demander l’adresse complète des clients ! Les chauffeurs excédés ayant menacé de se mettre en grève, le service a été rapatrié cinq mois plus tard.
Mais comparés à ces désagréments, les avantages l’emportent largement. « Les délocalisations sont un des moyens de réduire nos coûts, d’améliorer nos produits et l’efficacité de nos réseaux », commente le patron d’Axa. Pourtant, certaines entreprises font de la résistance. C’est le cas de BNP Paribas, la première banque française, qui soutient que les 600 téléopérateurs de ses centres d’appels en France sont en passe de devenir de véritables conseillers financiers. Et qu’il n’est donc pas question de les licencier ou de délocaliser cette activité.

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