Notre homme à New York

Pour la première fois depuis leur création, les Nations unies seront dirigées par un ressortissant d’un pays clairement allié des États-Unis.

Publié le 16 octobre 2006 Lecture : 3 minutes.

Ban Ki-moon, le nouveau secrétaire général de l’ONU, est totalement atypique. En choisissant, parce que c’était le tour de l’Asie d’occuper ce poste, un ressortissant de la Corée du Sud, le Conseil de sécurité a, pour la première fois, opté pour un ressortissant d’un pays qui n’est ni neutre ni non-aligné, mais clairement un allié de l’Occident, et plus précisément des États-Unis (voir J.A. n° 2387). Un pays qui est aussi l’un des derniers vestiges de la guerre froide, divisé entre un Nord communiste (la République populaire démocratique de Corée) et un Sud qui ne l’est pas, alors que le Vietnam et l’Allemagne sont réunifiés depuis longtemps. La Corée du Sud n’a jamais fait partie des non-alignés, alors que la Corée du Nord en fait partie depuis 1975. Lors du dernier sommet du Mouvement des non-alignés à La Havane, la Corée du Sud ne faisait même pas partie des 15 pays présents comme observateurs, mais figurait au nombre des 33 pays invités aux cérémonies d’ouverture et de clôture. Par ailleurs, elle est devenue membre de l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE) en 1996 et s’est retirée du groupe des 77 à l’ONU (pendant économique du Mouvement des non-alignés) en 1997.
C’est aussi la première fois qu’un secrétaire général sera originaire d’un pays où stationnent des troupes qui relèvent au moins en théorie d’un commandement onusien, en fait américain. Le UN-Command (commandement unifié de l’ONU) a été instauré en 1950, au moment où des troupes américaines, assistées de l’armée sud-coréenne et de seize contingents étrangers – dont un bataillon français – ont, sur la demande du Conseil de sécurité, combattu les forces nord-coréennes et les « volontaires » chinois qui avaient envahi la Corée du Sud en franchissant le 38e parallèle.
Bien qu’il n’y ait plus sur place que des forces américaines et sud-coréennes (en particulier pour garder la zone du 38e parallèle, confirmée par l’armistice de Pan Mun Jom en 1953), l’UN-Command existe toujours sur le papier, et le général (américain) qui le commande fait tous les ans un rapport de quelques lignes au Conseil de sécurité pour dire : « Rien à signaler ». Il existe également depuis 1953 une commission onusienne d’armistice qui complète sur place le UN-Command. Washington et Séoul envisagent maintenant de conclure un traité qui donnerait une plus grande autonomie aux armées coréennes, et en particulier permettrait aux Sud-Coréens d’assurer le commandement de leurs forces. Une « feuille de route » a été signée, mais l’échéancier reste encore flou : le transfert complet se ferait entre 2009 et 2012.
Enfin, la question coréenne ne figure plus à l’ordre du jour, ni du Conseil de sécurité, ni de l’Assemblée générale. L’ONU s’était préoccupée du problème coréen dès novembre 1947, en créant une commission temporaire de neuf membres, qui observa les élections en Corée du Sud (aboutissant à la création d’un gouvernement en août 1948), mais qui ne put se rendre en Corée du Nord, où un gouvernement distinct fut formé en septembre 1948. L’Assemblée générale considéra le premier de ces gouvernements comme seul légitime. Un communiqué conjoint sur le dialogue destiné à accélérer la réunification a été signé par Séoul et Pyongyang le 4 juillet 1972 (ce que l’Assemblée générale a salué en novembre 1973).
La République de Corée (du Sud) a acquis dès 1949 le statut d’observateur auprès de l’ONU ; la Corée du Nord ne l’a obtenu qu’en 1973. En 1955, il a été convenu que les candidatures des États divisés ne seraient pas examinées, en raison des marchandages auxquels se livraient les deux camps et qui entravaient l’admission d’autres États ne posant aucun problème. Après que l’admission de la Corée du Sud à l’ONU eut été bloquée en 1975, les États-Unis ne voulant pas céder sur l’entrée concomitante des deux Vietnams, les deux Corées ont finalement été admises simultanément le 17 septembre 1991, après la fin de la guerre froide. La Corée du Sud a été élue membre non permanent du Conseil de sécurité en 1996-1997, la Corée du Nord ne l’a jamais été.
Bien entendu, on ne peut pas non plus oublier le problème des essais nucléaires de la Corée du Nord, qui s’est même retirée du Traité de non-prolifération nucléaire (TNP). Bref, il ne sera pas facile au nouveau secrétaire général d’oublier ses anciennes fonctions de ministre des Affaires étrangères lorsqu’il discutera avec Pyongyang.

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