Abdel Hamid Mamdouh, l’Égyptien qui vise la direction de l’OMC

À 67 ans, Abdel Hamid Mamdouh est l’un des quatre Africains à briguer la direction générale de l’Organisation mondiale du commerce. Pour gagner, il mise sur sa longue expérience au sein de l’institution et sur le soutien de son gouvernement.

Abdel Hamid Mamdouh, candidat à la direction de l’OMC, en juin 2020, à Genève. © Denis Balibouse/Reuters

Abdel Hamid Mamdouh, candidat à la direction de l’OMC, en juin 2020, à Genève. © Denis Balibouse/Reuters

Publié le 5 juin 2020 Lecture : 4 minutes.

La rencontre s’est tenue au Caire, quelques jours avant que l’Égypte n’entre en confinement. Ce 5 mars, en quittant le bureau du Premier ministre Mostafa Madbouli, Abdel Hamid Mamdouh peut souffler : son pays promet de peser de tout son poids pour obtenir sa nomination comme directeur général de l’Organisation mondiale du commerce (OMC).

Le poste est en effet vacant depuis la démission « pour raisons familiales » du Roberto Azevêdo. Le Brésilien quittera son poste le 30 août 2020, un an avant l’échéance de son mandat.

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« Réparer l’OMC »

Diplômé en droit de l’université du Caire en 1974, Abdel Hamid Mamdouh travaille, à Genève, pour le cabinet d’avocats américain King & Spalding, qu’il a rejoint en 2017 après une longue carrière diplomatique. Ses premiers pas le mènent, à la fin des années 1970 et aux débuts des années 1980, dans les ambassades d’Égypte en Éthiopie et en Australie.

De retour au Caire, sa ville natale, l’homme intègre le ministère de l’Économie et du Commerce extérieur. Il travaille à la sous-direction chargée des relations commerciales bilatérales. Puis, en 1985, il décroche son billet pour la Suisse : il est nommé négociateur commercial au sein de la mission permanente de l’Égypte auprès du GATT (General Agreement on Tariffs and Trade).

Ce diplomate chevronné a déjà passé vingt ans dans les couloirs de l’OMC, et du GATT auparavant

En 1990, il est débauché par cet ancêtre de l’OMC, d’abord pour effectuer du conseil juridique, puis pour assister le directeur général adjoint. « L’une de mes responsabilités importantes, raconte le diplomate, fut la négociation et la rédaction de l’Accord général sur le commerce des services », entré en vigueur en 1995, année de naissance de l’OMC.

Secrétaire du Conseil du commerce des services jusqu’en 2001, puis chef de la division Services et investissement jusqu’en 2017, le haut fonctionnaire international passe en tout vingt ans dans les couloirs de l’OMC, avant de rejoindre à sa retraite King & Spalding. Aujourd’hui, le sexagénaire enseigne aussi au Centre d’études de droit commercial à l’université Queen Mary de Londres, en tant que professeur invité.

Le Suisso-Égyptien reconnaît que son parcours professionnel est un peu différent de celui du profil type du directeur général de l’OMC. Mais il croit en sa bonne étoile, et mise sur son expérience au sein du GATT puis de l’OMC. « Si vous vous engagiez dans un processus de réforme, ne préféreriez-vous pas avoir à vos côtés un des ingénieurs qui a participé à la conception et à la mise en place du système ? Quoi de mieux qu’un « ingénieur » pour réparer une voiture en panne comme l’OMC ? », plaide-t-il.

Renouer avec Washington

En plein marasme économique mondial causé par la pandémie de Covid-19, plusieurs chantiers de taille attendent le futur patron de l’OMC : préparer la conférence ministérielle de 2021, donner un coup de fouet aux négociations qui piétinent et résoudre les conflits qui opposent l’organisation aux États-Unis. À plusieurs reprises, Donald Trump a en effet dénoncé le fonctionnement de l’institution.

Ses priorités ? Le dialogue et la relance du bras législatif de l’organisation, paralysé par les Américains

« Tout le monde s’accorde sur le fait qu’une réforme est nécessaire », les divergences surgissent lorsqu’il s’agit  « de la mettre en musique », explique Mamdouh. Ses priorités, s’il obtient le poste ? Le dialogue, la réunion des membres autour d’une même table « pour trouver un terrain d’entente » et la relance du bras législatif de l’organisation.

Depuis décembre, les pays membres ne peuvent en effet plus régler leurs différends commerciaux grâce à l’OMC car Washington a bloqué toute nomination au sein de son organe d’appel des décisions, rendant celui-ci, de fait, ineffectif.

Abdel Hamid Mamdouh, comme les autres candidats, dispose de trois mois pour se faire connaître du collège d’électeurs, et pour engager des discussions sur les questions auxquelles l’OMC est confrontée. Il devra alors leur présenter un bref exposé, notamment sur sa vision de l’Organisation, avant de se soumettre à une séance de questions et réponses. Car le Conseil général de l’OMC doit parvenir à un consensus avant qu’un candidat puisse être nommé.

Vers un candidat unique de l’UA ?

Pour le Suisso-égyptien, « il est temps » d’avoir, pour la première fois, un Africain à la tête de l’OMC. « Toutes les autres régions du monde ont occupé ce poste, mais jamais le continent, regrette Mamdouh. En juillet 2019, les pays africains ont décidé que le prochain directeur général de l’OMC devrait être issu du continent. C’est un sentiment fort. » Dans une interview au journal égyptien Al-Youm Al-Sabea, il a par ailleurs confié que les autres pays membres s’accordent aussi à dire que le poste doit revenir à un représentant du continent.

La ministre des Affaires étrangères du Kenya, Amina Mohamed, le jeudi 26 janvier 2016 à Addis-Abeba. © Zakarias Abubeker pour J.A

La ministre des Affaires étrangères du Kenya, Amina Mohamed, le jeudi 26 janvier 2016 à Addis-Abeba. © Zakarias Abubeker pour J.A

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Outre Abdel Hamid Mamdouh, trois autres candidats africains sont en lice. Le Nigérian Yonov Frederick Agah, directeur général adjoint de l’OMC et le Béninois Eloi Laourou, ambassadeur auprès des Nations unies à Genève, ont tous deux été présélectionnés par l’Union africaine en février. Quant à Amina Mohamed, la ministre kényane, ancienne diplomate à Genève et déjà candidate en 2012, elle est présentée comme l’une des favorites par le Financial Times.

L’Union africaine espérait choisir un candidat unique d’ici au mois de juillet, la période de désignation du prochain chef de l’OMC devant initialement débuter en décembre. Mais la démission du Brésilien Roberto Azevedo accélère le processus, les candidats ayant du 8 juin au 8 juillet pour déposer leur dossier.

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Reste à savoir si les pays africains parviendront à s’entendre d’ici-là sur un candidat unique. Abdel Hamid Mamdouh, qui prévoyait d’entamer une tournée en Afrique et dans les pays arabes membres de l’OMC, a vu son projet contrarié par la fermeture des liaisons aériennes, Covid-19 oblige.

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