Les mille et un enchantements
Le musée de la Vie romantique de Paris rend hommage à Pierre Loti avec cette exposition, qui est d’abord une invitation au voyage.
Publié le 16 octobre 2006 Lecture : 3 minutes.
On commence la visite par la reconstitution de la bibliothèque de Pierre Loti. Elle croule sous les livres, mais aussi les bibelots, les photos, les objets exotiques, les croquis… qui racontent à leur manière les mille et un voyages du marin-écrivain, dans le vaste monde en général et en Orient en particulier. Pierre Loti (1850-1923), figure de la littérature postromantique française, était aussi officier de marine et infatigable voyageur. Il nous invite à prendre le large pour accoster à Alger et Constantinople ou à traverser le désert, « monotone comme la mer, et changeant comme elle ».
« Un charme dont je ne dépendrai jamais m’a été jeté par l’islam, au temps où j’habitais la rive du Bosphore, et je subis de mille manières ce charme-là, même dans les choses, dans les dessins, dans les couleurs, jusque dans ces vieilles fleurs de rêve qui sont ici naïvement peintes sur les faïences de mes murs », écrit-il dans Fantômes d’Orient (1892). Pour mieux mettre en valeur ce qui l’inspire en terre orientale, l’exposition propose des allers-retours entre ses textes les plus connus – Aziyadé, Le Désert, Fantômes d’Orient – et des toiles orientalistes, des photographies d’époque et des objets emblématiques de ses voyages.
Pour l’Algérie, ce sera le peintre Eugène Fromentin avec notamment une très belle uvre : Le Bois des oliviers à Blida, réalisée en 1846 au fusain et à la sanguine, rehaussée de blanc. On retrouve aussi l’orientalisme de Delacroix, dont une exquise Étude des babouches, une huile sur carton de 1832, et de délicates aquarelles réalisées au Maroc. En Égypte, le couvent Sainte-Catherine, « entouré de formidables remparts de trente pieds de haut, et accroché aux flancs du Sinaï gigantesque », est représenté par Adrien Dauzats. C’est aussi l’une de ses toiles, Mosquée d’Al-Azhar au Caire, qui répond à une description littéraire de Loti : « Malgré soi on lève la tête, fasciné par toute cette beauté qui est en l’air : rien d’autre pourtant que ce carré de ciel merveilleux, sorte de limpide saphir tout enchâssé dans les crénelures d’Al-Azhar, et où montent se perdre les si audacieuses tours fuselées. » (La Mort de Philae, 1909.)
Dans la pièce « Harems et odalisques », Aziyadé et « ses mouvements souples, ondoyants, tranquilles » ressurgit sous les traits du magnifique Portrait d’une jeune Nord-Africaine de Jean-François Portaels (1874). La toile de Félix Ziem, Constantinople, le caïque de la sultane illustre un autre passage d’Aziyadé : « C’était le moment de la splendeur matinale de Constantinople ; les palais et les mosquées encore roses sous le soleil levant, se réfléchissaient dans les profondeurs tranquilles de la Corne d’or. » Car l’une des villes dont Pierre Loti parle avec le plus de passion est sans conteste Istanbul. « Oh ! Stamboul ! De tous les noms qui m’enchantent encore, c’est toujours celui-là le plus magique », clame-t-il.
Dans l’ambiance feutrée du musée de la Vie romantique, qui sied si bien à l’univers de Loti, le charme opère. On est transporté dans l’Orient mythifié de l’écrivain. Boiseries, pénombre rappelant l’ambiance des cafés turcs et le mystère des boudoirs orientaux, narguilé, table en bois ciselé, calames, écritoire, poignard… On découvrira dans cette exposition des passages d’un texte moins connu de Loti, Les Trois Dames de la Kasbah, dont la forme littéraire est inspirée par Les Mille et Une Nuits, ainsi qu’une quarantaine de dessins de sa main. Loti, né Julien Viaud à Rochefort, prend la mer très tôt et réalise ses premières esquisses à 20 ans lors d’une escale au Sénégal, croquant un groupe de femmes sur l’île de Gorée, des sorciers en conciliabule ou des pirogues au large de Dakar. Suivront le Cap-Vert, la Guinée, le Vietnam, l’île de Pâques, les îles Marquises et le Japon.
Pierre Loti – Fantômes d’Orient, jusqu’au 3 décembre. Musée de la Vie romantique, 16, rue Chaptal, Paris.
