À la recherche du fils du cheikh

Abdelqahar Benhadj a-t-il été enlevé ou a-t-il rejoint un maquis du GSPC ?

Publié le 16 octobre 2006 Lecture : 3 minutes.

Fils du chef de file du courant salafiste algérien, Abdelqahar Benhadj (18 ans) est porté disparu depuis le 1er octobre. La dernière fois qu’il a été aperçu, il sortait de la mosquée de Kouba, sur les hauteurs d’Alger, après la prière de l’aube. Quatre jours plus tard, devant la presse, Ali Benhadj a accusé les services de sécurité de kidnapping. L’ex-numéro deux de l’ex-Front islamique du salut (FIS) n’a toutefois pas jugé utile d’informer la police judiciaire de cette disparition. Officiellement, il refuse d’admettre que son rejeton a tout simplement répondu à l’appel que lui-même lança naguère à la jeunesse algérienne : « menez le djihad contre le taghout » (« tyran », terme désignant le pouvoir dans le lexique salafiste). Pourtant, à en croire le quotidien indépendant Liberté, une cellule du Groupe salafiste pour la prédication et le combat (GSPC) aurait discrètement informé la famille Benhadj que le jeune homme a bel et bien rejoint le maquis de Boumerdès, à une cinquantaine de kilomètres à l’est d’Alger.
Au temps où il était la superstar de l’islamisme triomphant, ses prêches enflammés attiraient des milliers de fidèles, chaque vendredi à la mosquée Es-Sunna de Bab el-Oued. Mais, en 1993, Benhadj a été condamné à douze ans de réclusion criminelle. Libéré en juillet 2003, il reste interdit de toute activité politique. De toute façon, ses gesticulations intéressent de moins en moins l’opinion. Même les fondateurs du FIS, ses anciens compagnons, prennent ostensiblement leurs distances, oubliant souvent de le convier à leurs réunions. En fait, seule Al-Jazira continue de rendre complaisamment compte de ses faits et gestes. Ce qui, à l’occasion, se retourne contre lui. En juillet 2005, dans une interview à la chaîne qatarie, Benhadj n’a pas hésité à féliciter Abou Moussab al-Zarqaoui pour l’enlèvement de deux diplomates algériens à Bagdad. Deux jours plus tard, les malheureux étaient égorgés par leurs ravisseurs. L’imprudent imam a été inculpé d’« apologie d’actes terroristes ». Retour à la case prison.
À la faveur de la mise en uvre de la Charte pour la paix et la réconciliation, il est à nouveau élargi au mois de mars dernier. Mais il n’a rien renié de ses sanglantes convictions : refus de toute concession au pouvoir, refus ?de la moindre condamnation de la violence islamiste, refus d’appeler à la raison les irréductibles du GSPC
Jadis, Benhadj se serait sans nul doute vanté publiquement du départ pour le maquis du cadet de ses quatre fils. Mais les temps ont changé. Peu désireux de retrouver la maison d’arrêt d’El-Harrach, il ne veut surtout pas encourir les foudres de la justice en faisant l’apologie du terrorisme. Alors, plutôt que d’annoncer le recrutement d’Abdelqahar par le GSPC – au moment où ce dernier vient de perdre le peu de crédit qui lui restait en faisant allégeance à al-Qaïda -, il préfère accuser les services de sécurité de l’avoir enlevé. En espérant que le nombre effrayant des « disparus » de la guerre contre le terrorisme – plus de six mille, officiellement – donnera quelque consistance à cette allégation sans preuve.
Mais son numéro de père éploré n’abuse pas grand monde en Algérie. Comment compatir aux malheurs supposés de l’homme qui lança les premières fatwas légitimant les assassinats ciblés et les massacres collectifs ?
Ali Benhadj va vivre à présent ce que des millions d’Algériens ont vécu avant lui, une décennie durant : trembler pour un fils qui ne donne pas signe de vie. Mais n’est pas Hassan Nasrallah qui veut. Par pudeur, le chef du Hezbollah libanais avait longtemps caché que son fils était mort les armes à la main. Lui n’a pas attendu les hypothétiques et douteux faits d’armes de son rejeton pour en faire un martyr de la répression.

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