Corée du Nord : la faute et la solution

Publié le 16 octobre 2006 Lecture : 3 minutes.

En 1994, les Nord-Coréens ont expulsé des inspecteurs de l’Agence internationale de l’énergie atomique (AIEA) et menacé de retraiter du combustible nucléaire irradié pour en extraire du plutonium, se donnant ainsi la possibilité de fabriquer des armes nucléaires. En cas de guerre dans la péninsule, tout le monde savait que les forces de la Corée du Sud et des États-Unis étaient capables d’infliger une écrasante défaite à celles du Nord. Mais on savait aussi que la Corée du Nord pouvait lancer plus de vingt mille obus et missiles sur Séoul, tout proche de la frontière.

Répondant à une invitation du président Kim Il-sung, et avec l’accord du président Bill Clinton, je me rendis à Pyongyang et négociai un accord aux termes duquel la Corée du Nord arrêterait son programme nucléaire de Yongbyon et permettrait aux inspecteurs de l’AIEA de retourner sur le site pour s’assurer que le combustible irradié n’était pas retraité. Il fut également convenu que des entretiens directs auraient lieu entre les deux Corées. On a donc continué de surveiller le combustible irradié (dont on estimait qu’il permettait de fabriquer une demi-douzaine de bombes), et il y a eu de longues discussions bilatérales. Les États-Unis ont assuré aux Nord-Coréens qu’ils n’avaient à craindre aucune menace militaire, que des livraisons de pétrole remplaceraient la puissance nucléaire perdue et qu’ils les aideraient à construire deux centrales atomiques modernes, sous la surveillance d’inspecteurs internationaux.
Hélas ! Au début de 2002, les États-Unis ont accusé la Corée du Nord d’appartenir à l’« axe du Mal », l’ont menacée d’une intervention militaire, ont arrêté les livraisons de pétrole et la construction des centrales atomiques, et refusé de participer à de nouveaux entretiens bilatéraux. Réagissant à sa manière regrettable mais prévisible, Pyongyang s’est alors retiré du traité de non-prolifération nucléaire, a expulsé les inspecteurs de l’AIEA, a repris le retraitement des barres de combustible et a commencé à travailler sur des engins explosifs nucléaires.
Les entretiens des Six ont finalement abouti, en septembre dernier, à un accord qui, d’une part, invitait la Corée du Nord à renoncer totalement à ses armes et à ses programmes nucléaires et, de l’autre, faisait obligation à Washington et à Pyongyang de respecter leur souveraineté, de coexister pacifiquement et de normaliser leurs relations. Les deux parties se sont par la suite mutuellement accusées d’avoir violé l’accord. Les États-Unis ont imposé de lourdes sanctions financières, et Pyongyang a choisi la très inquiétante option nucléaire. Résultat : la situation militaire est aujourd’hui pire qu’il y a dix ans. Nous avons toujours les moyens d’anéantir l’armée de la Corée du Nord, mais au prix, sans doute, de plus d’un million de morts sud-coréens et américains.
S’il se confirme que la récente explosion qui a eu lieu en Corée du Nord est bien d’origine nucléaire, la communauté internationale va se retrouver devant des choix difficiles. Elle pourrait, c’est l’hypothèse la plus vraisemblable, essayer de contraindre les dirigeants de Pyongyang à renoncer à leur programme nucléaire par des menaces militaires et un renforcement de l’embargo, au risque d’aggraver les souffrances d’un peuple qui meurt déjà de faim. Mais deux faits importants doivent être pris en considération. Le premier est que Kim Jong-il et ses chefs militaires ont prouvé qu’ils étaient à peu près insensibles à ce type de menace. Le second que la Chine et la Corée du Sud ont indiqué qu’elles ne souhaitaient pas déstabiliser le régime. Une autre solution consisterait à appliquer l’accord de septembre sur la dénucléarisation, ce qui, selon les Nord-Coréens, est encore possible. Le cadre d’un accord étape par étape existe : les États-Unis déclareraient qu’ils n’ont pas d’intentions hostiles et sont prêts à envisager des relations normales avec la Corée du Nord si celle-ci renonce à tout nouveau programme nucléaire et reste en paix avec ses voisins. Chaque étape serait confirmée par des actions réciproques, combinées à des inspections internationales totalement libres.

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Bien qu’un essai nucléaire de faible puissance soit très éloigné d’une bombe utilisable, même rudimentaire, cette seconde solution est désormais plus difficile à envisager. Pourtant, il est peu probable que les Nord-Coréens fassent machine arrière si les États-Unis n’accèdent pas à cette demande fondamentale. Il serait alors envisageable de contourner le refus américain de négocier directement par des discussions secrètes avec un émissaire digne de confiance comme l’ancien secrétaire d’État James Baker. Celui-ci estimait récemment que « parler avec nos ennemis, ce n’est pas jouer l’apaisement ».
Ce qu’il faut éviter, c’est de donner l’impression à ce pays nucléaire dirigé par des extrémistes – et dont la population est soumise à de terribles privations – qu’il est durablement exclu de la communauté internationale et que son existence est menacée.

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