Algérie : ce qu’il faut savoir sur le déconfinement progressif

Le Premier ministre algérien, Abdelaziz Djerad, a dévoilé sa feuille de route, établie avec les autorités sanitaires. Si la levée du confinement est effective à compter du 14 juin, de lourdes contraintes pèsent encore sur les entreprises, les commerces et les citoyens.

Le Premier ministre algérien Abdelaziz Djerad

Le Premier ministre algérien Abdelaziz Djerad

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Publié le 8 juin 2020 Lecture : 7 minutes.

S’il ne fallait retenir que deux mots pour résumer la stratégie algérienne de sortie de confinement, ce serait « flexible » et « progressif ». Le plan présenté par le Premier ministre Abdelaziz Djerad autorise, sous conditions, la reprise de certaines activités commerciales, mais exclut d’emblée un retour à la normale. « Les mesures de sortie du confinement ne doivent en aucune manière signifier un retour à la vie normale, mais au contraire inciter à la prudence et la vigilance car la menace de l’épidémie demeure omniprésente », peut-on lire dans le communiqué du 4 juin.

Aussi, la période qui s’ouvre comporte bien plus de contraintes que le confinement lui-même, prévient le gouvernement : « Le défi principal auquel nous devons faire face collectivement, pouvoirs publics, corps médical, commerçants, opérateurs et citoyens, c’est de ne pas assister à la remise en cause des résultats obtenus (…) au prix de lourds sacrifices humains et des efforts endurés. »

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Le ministre de la Santé, Abderrahmane Benbouzid, jugeait le 6 juin que l’épidémie était encore trop active dans dix wilayas, celles qui comptent encore chacune plus de 290 cas actifs. En dehors de Ouargla (sud), toutes se situent dans le nord du pays (Tlemcen, Oran, Ain Defla, Tipaza, Blida, Alger, Bejaïa, Setif et Constantine).

Selon le Comité scientifique de suivi de l’évolution de la pandémie, 10 050 cas ont été officiellement recensés en Algérie, dont 698 décès, depuis l’identification du premier cas le 25 février. Fin mai, le gouvernement avait levé l’obligation de confinement dans quatre des 48 wilayas (préfectures). Voici ce qui change désormais dans les 44 autres.

  • Deux phases de déconfinement

La levée du confinement se fait en deux temps, en évaluant l’impact socio-économique des activités autorisées à reprendre, et le risque de transmission du Covid-19 liées à chacune d’entre elles.

La première phase, entamée le 7 juin, autorise la reprise de 25 types de commerces et services, comme l’artisanat, le commerces de fleurs, de produits d’hygiène, de biens culturels, la vente de nourriture à emporter, ou le marché à bestiaux.

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À compter du 14 juin, d’autres activités pourront reprendre, comme la restauration, la vente d’alcool, ou encore le transport par taxi. Cette seconde liste n’a pour l’heure pas été officiellement établie. « L’organisation sera précisée en temps opportun », indique le gouvernement.

  • Masques et gel hydroalcoolique

Le masque est obligatoire, partout, tant pour les clients que pour les responsables et gérants des établissements. Des bacs dédiés doivent être prévus pour recueillir le matériel médical usagé (masques, gants, mouchoirs…). Les commerçants seront tenus responsables du non-respect de l’une ou l’autre des obligations. Le prix de vente des masques sont plafonnés : 40 dinars (environ 28 centimes d’euros) pour les masques grand public, 90 pour les chirurgicaux.

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Le gouvernement impose aussi  l’installation de « paillasses de désinfection » aux entrées des magasins et des administrations, et la mise à la disposition pour tous de solution hydroalcoolique. Les locaux doivent être désinfectés quotidiennement, tout comme les pièces de monnaie et billets de banques échangés lors des transactions.

À compter du 14 juin 2020, les commerces algériens pourront rouvrir mais devront être désinfectés quotidiennement. © Ammi Louiza/ABACAPRESS.COM

À compter du 14 juin 2020, les commerces algériens pourront rouvrir mais devront être désinfectés quotidiennement. © Ammi Louiza/ABACAPRESS.COM

  • Respect des mesures barrières

L’affichage des mesures barrières est obligatoire dans tout lieu accueillant du public. De même que la mise en place d’un sens unique de circulation, à l’intérieur des locaux, au moyen de marquage lisible au sol et de barrières, pour éviter les croisements des clients. Les entreprises et les commerces ont aussi la charge d’organiser les accès et les files d’attentes pour faire respecter la distance physique.

Les espaces clos doivent comporter un nombre limité de personnes. Mais l’exécutif n’a pas précisé pour l’heure la densité de personnes maximale par mètre carré.

  • Dures sanctions pour les contrevenants

Les mesures sanitaires liés au Covid-19 doivent désormais figurer dans les règlements intérieurs des entreprises. Les partenaires sociaux seront invités à fortement s’impliquer dans le contrôle du respect des mesures. Les contrevenants aux règles d’hygiène risquent la fermeture immédiate de leur commerce ou activité. La loi prévoit aussi jusqu’à trois jours de prison et 20 000 dinars d’amende pour non-port du masque.

Les sanctions peuvent aller bien plus loin, tant l’arsenal législatif algérien a été complété par de nouvelles mesures tout au long de cette crise. La violation « délibérée et manifeste d’une obligation de prudence ou de sécurité » qui met en danger la vie d’autrui ou son intégrité physique peut désormais conduire à « un emprisonnement de six mois à deux ans, assortis d’une amende de 60 000 à 200 000 dinars ». La peine peut grimper à cinq ans, et l’amende à 500 000 dinars « si les faits suscités sont commis durant les périodes de confinement sanitaire. »

  • Pas de levée du couvre-feu

Aucune décision concernant la levée du couvre-feu n’a été annoncée : il reste donc en vigueur dans l’immense majorité du pays. Les horaires ne sont pas les mêmes partout. Dans les 16 wilayas les plus touchées, dont Alger et Oran, il s’applique de  de 17h à 7h. Dans 28 wilayas, les restrictions de circulations vont de 19h à 7h.

Les contrevenants risquent une amende de 20 000 dinars et la saisie du moyen de transport utilisé en violation du couvre-feu.

  • BTPH : un cahier des charges spécifique

À en croire l’Association générale des entrepreneurs algériens (AGEA), dans le BTPH (bâtiment, travaux publics et hydraulique), plus de 80 % des entreprises ont été à l’arrêt, causant la perte de plus de 275 000 emplois. Le gouvernement autorise donc la reprise des activités dans le secteur – y compris les activités de sous-traitance et les bureaux d’études (architecture, urbanisme, génie civil) – mais avec des conditions drastiques.

Ainsi, les entreprises doivent organiser le transport du personnel, autorisé à circuler sur l’ensemble du territoire de 5h à 19h. Sur les chantiers, les employeurs doivent faire respecter du mieux qu’ils le peuvent la distance physique, et garantir aux travailleurs des équipements de protection individuelle : masques, gants et casques. Les engins de chantiers doivent être régulièrement désinfectés, de même que les locaux qui servent à la restauration ou à l’hébergement des ouvriers.

  • Ni école, ni mosquées, ni mariages

Les stades, ainsi que les établissements scolaires et universitaires restent fermées. Tout comme les salles des fêtes, discothèques, cabarets et bains maures, dont les portes sont closes depuis le 16 mars.

Lors du dernier Conseil des ministres, le président Abdelmadjid Tebboune a appelé les walis (préfets) à être particulièrement vigilant en ce qui concerne « l’interdiction des fêtes, des mariages et des rassemblements. » Les familles devront donc attendre encore quelques semaines avant de se retrouver pour des célébrations. Nombre d’entre elles se sont agacé de voir que les partis politiques, comme le RND et le FLN, ne sont pas concernés par ces restrictions.

Une vaste campagne de désinfection des lieux de culte a certes été lancée pour mettre les fidèles à l’abri du virus après la levée des mesures de confinement, mais aucune date de réouverture des mosquées n’a été annoncée pour l’heure.

  • Les coiffeurs réservés aux hommes

Curiosité du plan présenté par Abdelaziz Djerad : les salons de coiffure pour hommes sont autorisés à rouvrir dès le 4 juin, et sur rendez-vous uniquement… Mais pas ceux qui accueillent une clientèle féminine. Aucune explication n’a été donnée sur ce traitement différenciée.

Coiffeurs et clients doivent porter un masque. Un salon ne peut accueillir plus de deux clients en même temps. Là encore, les commerces sont soumis à des instructions d’hygiène et de désinfection, au quotidien.

Réouverture des salons de coiffure pour hommes. Ici, à Alger, le 7 juin 2020. © Photo by Ryad Kramdi/AFP

Réouverture des salons de coiffure pour hommes. Ici, à Alger, le 7 juin 2020. © Photo by Ryad Kramdi/AFP

  • Bientôt la réouverture des frontières

L’Algérie n’a pas communiqué sur la reprise de ses liaisons terrestres, maritimes et aériennes. Mais la Tunisie voisine a elle annoncé la réouverture de ses frontières à partir du 27 juin. Avec plus de trois millions de visiteurs en 2019, l’Algérie est le premier partenaire touristique du pays. Et devrait faire partie des premiers concernés par la mesure.

Le ministre tunisien du Tourisme Mohamed Ali Toumi a expliqué que la reprise de l’activité hôtelière sera assurée dans un premier temps grâce au tourisme domestique, puis grâce à celui des pays frontaliers. La Tunisie n’a cependant pas précisé les modalités de la quarantaine qui sera en vigueur après le 27 juin.

En ce qui concerne les frontières entre l’Algérie et l’espace Schengen, aucune date n’a été avancée à ce jour. La France veut convaincre ses partenaires européens à rouvrir l’espace commun de libre-circulation au 1er juillet. Un accord devrait être discuté, à en croire une source diplomatique, dans la deuxième quinzaine de juin.

  • Une situation régulièrement réévaluée

À compter du 14 juin, l’Algérie compte évaluer et réviser tous les quinze jours la liste des wilayas concernées par le confinement sanitaire partiel. Les autorités tiendront compte de deux facteurs en particulier : le nombre de nouveaux cas par jour, et le taux de reproduction du virus dit R(t). Si ce R(t) est inférieur à 1 localement, l’État pourra décider de lever ou aménager les mesures de confinement. À l’inverse, le gouvernement peut aussi durcir les mesures si ce R(t) est trop élevé.

En parallèle de cette veille sanitaire, un dispositif renforcé de surveillance sanitaire est déployé dans chaque wilaya, pour détecter d’éventuels nouveaux foyers. Ce dispositif consiste notamment à tester largement tous les cas suspects et leurs contacts, pour casser ensuite les chaînes de transmission du Covid-19.

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