William Bourdon
William Bourdon, 48 ans, est, avec Jacques Debray (du barreau de Lyon), le défenseur de Mourad Benchellali et Nizar Sassi, deux des quatre Français remis par les autorités américaines à la France le 27 juillet, après trente mois de détention sur la base de Guantánamo. À leur retour, ils ont été mis en examen pour « association de malfaiteurs en relation avec une entreprise terroriste » et écroués. On leur reproche principalement d’avoir séjourné dans un camp d’entraînement en Afghanistan et de s’y être rendus grâce à une filière de recrutement de combattants islamistes.
Le statut des prisonniers de Guantánamo est depuis deux ans la cible de très vives critiques. Me Bourdon revient sur les conditions de détention dans cette zone de non-droit, et sur les actions qu’il compte mener au bénéfice de ses clients.
On n’est pas torturé physiquement là-bas. La règle, c’est le chantage : si vous acceptez de collaborer, vous êtes mieux traité. Sinon, vous êtes soumis à une série d’intimidations, de vexations, de pressions. Ajoutez à cela le maintien dans l’isolement le plus complet et l’absence d’information sur son sort, et vous obtenez des actes de torture psychologique tels que définis par la convention du 10 décembre 1984.
Des coups sur des parties du corps choisies pour laisser le moins de traces possible. Ils ont subi une cinquantaine d’interrogatoires, parfois en présence de gardiens armés de fusils à pompe chargés et sous la menace de chiens. Ils ont été choqués par le nombre croissant de détenus qui sombrent dans la folie.
Mes clients se sont retrouvés là-bas après avoir été arrêtés par les forces pakistanaises. C’est l’horreur absolue. Bien pire qu’à Guantánamo, qu’ils qualifient pourtant d’« enfer ».
On a tendance à dire trop facilement que si un jeune Français s’est rendu dans un camp d’entraînement en Afghanistan, c’est qu’il adhère forcément à l’islamisme radical. Or ce n’est pas vrai. De multiples composantes (personnelles, familiales, sociologiques…) expliquent ce type de parcours, qui ne coïncide pas forcément avec celui d’un apprenti terroriste. S’y mêlent une part de naïveté, l’attrait que peut exercer un périple semé d’embûches… Pour eux, la situation sur place n’était pas celle qu’ils avaient imaginée. Ils ont voulu rentrer. Les attentats du 11 septembre les en ont empêchés.
Il n’est pas décisif. Sassi et Benchellali disent qu’ils ne sont pas des combattants du djihad et qu’ils s’opposent à toute action violente.
Bien peu de choses. Ils n’y sont restés que quinze jours et n’y ont suivi aucune formation militaire digne de ce nom.
C’est un délit fourre-tout ! Une lecture trop extensive de ce délit peut porter atteinte à la présomption d’innocence, car elle aboutit à présumer une intention criminelle du seul fait que le suspect s’est trouvé à proximité de personnes recherchées. Et ce, même si on ne relève aucun élément matériel prouvant soit la préparation d’une action violente, soit l’intention d’en commettre une. Dans leur cas, rien ne permet de les décrire comme des islamistes radicaux.
Judiciairement, oui. Mais je comprends qu’on souhaite enquêter sur leur parcours. Ce qui me paraîtrait choquant, ce serait leur maintien en détention. Je pense que la décision qui s’imposera, c’est le non-lieu.
Des indices convergents laissent à penser qu’on a donné, côté français, un certain nombre d’assurances, tout en ayant précisé, évidemment, que la justice était indépendante. Cela peut peser sur les décisions rendues ou à venir.
D’abord, le caractère « arbitraire » de la détention à Guantánamo a été reconnu par le parquet de Paris. Ensuite, le caractère singulier de l’arrestation de mes clients et les conditions « baroques » dans lesquelles ils ont été remis par les forces pakistanaises aux Américains posent des problèmes juridiques complexes. Tout comme le fait que des agents de la DST ont interrogé mes clients à Guantánamo sans que ces auditions figurent dans le dossier de procédure. Nous allons prendre des initiatives dans des délais assez brefs.
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