Un tramway nommé désir

Pour faciliter la circulation dans une métropole en pleine expansion, les autorités investissent dans les transports collectifs.

Publié le 23 août 2004 Lecture : 4 minutes.

Avec une première ligne (16 km) ouverte dès 1871, le tramway de Tunis a déjà une longue histoire derrière lui. En 1899, un total de neuf lignes permettait de circuler dans l’ensemble du centre-ville. En 1960 cependant, le tramway, qui n’a pas été modernisé, est supplanté provisoirement par l’autobus. Mais son absence n’aura été qu’une parenthèse puisque, dès le début des années 1970, la croissance considérable de la population de Tunis provoque la saturation du réseau de bus et relance l’intérêt pour le tramway. Avec cette fois l’idée de mettre en place un système en site propre, c’est-à-dire séparé de la circulation automobile.
Il faudra cependant attendre 1985 pour que soit ouverte la première ligne de ce nouveau tramway, ou « métro léger », construit par l’allemand Siemens. Les travaux, entrepris en 1981, ont subi plusieurs retards. Des incertitudes demeuraient sur le tracé, ainsi que sur la réalisation du tronçon central, prévu à l’origine en souterrain. Le sous-sol de Tunis étant sableux, un tunnel aurait augmenté considérablement les coûts de construction, ce qui a conduit à bâtir le métro léger entièrement en surface. Ces différentes hésitations pèseront sur le budget final des travaux, qui a atteint 360 millions d’euros pour la période 1981-1990, contre les 230 millions d’euros initialement prévus. Ces dépassements ont porté principalement sur les bâtiments et ouvrages d’art, la coordination et les études, les expropriations et les déviations de réseaux. Au total, le tramway aura coûté 11,5 millions d’euros au kilomètre, ce qui reste raisonnable au vu des normes internationales, puisque cet investissement est inférieur de 30 % à 50 % aux standards européens pour une capacité équivalente. Un des points forts dans la méthode a été de lancer un seul appel d’offres international pour l’ensemble du projet.
Les véhicules ont été achetés en deux lots, de soixante-dix-huit voitures, puis de quarante-deux autres, et la silhouette verte du nouveau « métro » est rapidement devenue familière. Un réseau de quarante-quatre stations réparties sur cinq lignes, et dont le dernier tronçon a été ouvert en 1995, couvre actuellement trente-deux kilomètres de voie double.
Les statistiques confirment le succès de ce moyen de transport. Avec un niveau de fréquentation plus élevé et un nombre de places assises disponibles plus faible qu’en Europe, il véhicule plus de 440 000 voyageurs par jour. Un chiffre qui progresse d’année en année. L’évaluation faite par l’Institut français de recherche sur les transports et leur sécurité (Inrets) en 2001 révèle que, aux heures de pointe du matin, la capacité est de 14 500 passagers par heure et par direction, ce qui représente plus de trois fois le débit habituel d’un tramway en France. Les vitesses varient, selon les lignes, de 16,1 à 22,4 km/h, pour un objectif initial de 22 km/h.
Ces bons résultats ne doivent pas masquer plusieurs déficiences, comme l’insuffisance des correspondances entre le réseau du métro et celui des bus, géré par une entreprise publique restée puissante. Par ailleurs, comme le constate Francis Kuhn, expert à l’Inrets, « le laisser-faire de la municipalité vis-à-vis des automobilistes se traduit par une réduction aux heures de pointe de la priorité aux feux du métro ; des barrières situées le long des voies ont parfois sauté, présentant des ouvertures accessibles aux piétons et réduisant ainsi la vitesse moyenne du métro ; les commerçants n’hésitent pas à garer leurs camions de livraison sur la plate-forme du tramway. C’est ainsi tout un ensemble de petites perturbations qui empêchent d’optimiser l’exploitation de ces infrastructures. La volonté n’est pas suffisamment forte pour faire respecter le métro. » Ce qui est d’autant plus handicapant que le tronçon central, la boucle à voie unique, ainsi que les stations centrales sont saturés.
De nouveaux plans sont à l’étude pour adapter les transports en commun à l’évolution du Grand Tunis, qui compte quatre préfectures et regroupe deux millions d’habitants. Les avis portent sur une complémentarité accrue entre autobus, métro et trains de banlieue. Le métro léger actuel se verrait étendu de 35 km supplémentaires. Avec le Réseau ferroviaire rapide (RFR), quatre nouvelles lignes de trains de banlieue seront bâties sur 70 km. Enfin, un réseau de bus express – qui aura ses propres voies – devra desservir les zones saturées.
Une commande de trente tramways Citadis a d’ores et déjà été passée fin juin à Alstom pour un montant de 80 millions d’euros. Elle est accompagnée d’une deuxième commande de 22 millions d’euros portant sur les infrastructures ferroviaires d’une extension de ligne, dont va se charger un groupement constitué d’Alstom et de la société tunisienne de génie civil SBF. Les rames circuleront sur le réseau actuel du métro léger et sur deux futures extensions de 7 km chacune.
L’Inrets souligne l’intérêt pour les villes africaines de ce type de transports en commun, en surface et en site propre (avec des voies spécifiques). Trois à quatre fois moins cher qu’un métro souterrain pour le même niveau de capacité, ce système de transport est plus confortable et fiable, plus aisé à mettre en oeuvre et moins nocif pour l’environnement qu’un réseau d’autobus. Mais sa rentabilité n’est possible qu’avec un trafic d’au moins 5 000 à 10 000 passagers à l’heure dans chaque sens, selon la structure du réseau et la solvabilité des usagers. Son amortissement ne peut être assuré qu’avec une population bénéficiant d’un minimum de revenus.

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