Rentabilité oblige

La mise en concession du Dakar-Bamako a dopé le trafic de marchandises. En revanche, le nombre de voyageurs est en baisse.

Publié le 23 août 2004 Lecture : 3 minutes.

On en parlait depuis des années. Après de longues discussions, la privatisation est intervenue en mars 2003. Pour quelque 15 milliards de F CFA (22,9 millions d’euros), le consortium Canac-Getma a été désigné adjudicataire de la concession de la ligne de chemin de fer Dakar-Bamako, pour une durée de vingt-cinq ans. Dès le 1er octobre, tous les regards se sont donc tournés vers Transrail SA, la société concessionnaire créée pour l’occasion en remplacement de l’ancienne régie publique, et dont Canac, une entreprise canadienne de chemins de fer, et Getma, un opérateur maritime français, sont les principaux actionnaires (à hauteur de 51 %). Le reste du capital est partagé entre les États malien et sénégalais, divers opérateurs privés et le personnel de la compagnie. Du côté du trafic marchandises, force est de constater que celui-ci connaît, depuis octobre dernier, un véritable boom. De 20 000 à 25 000 tonnes de fret mensuel avant la concession, le trafic a été porté à 49 000 tonnes en mars 2004. Transrail ambitionne même d’atteindre 65 000 tonnes de fret d’ici à la fin de l’année, soit trois fois le volume transporté avant la privatisation. Si la crise ivoirienne y est pour quelque chose, les difficultés d’accès au port d’Abidjan amenant les opérateurs maliens à se tourner vers Dakar, la progression du fret est aussi à mettre à l’actif de Transrail. Quelque 500 millions de F CFA ont été débloqués pour renouveler le matériel roulant, 400 millions pour l’achat des véhicules de service et les équipements de bureau et 150 millions pour la rénovation de la voie ferrée. En outre, Transrail entend investir 35 milliards de F CFA (53,4 millions d’euros) sur cinq ans. Le plan d’investissement a démarré en juillet, date à laquelle les premiers fonds de la Banque mondiale, qui assure 70 % du financement, ont été débloqués. Parmi les autres bailleurs figurent la Banque ouest-africaine de développement (BOAD), qui a annoncé un crédit de 6,5 milliards de F CFA pour le réseau malien. L’Agence française de développement (AFD) et l’Agence canadienne pour le développement international (ACDI) devraient être également de la partie.
Côté trafic voyageurs, en revanche, de sérieux problèmes subsistent. Ainsi, le service se limite à certaines dessertes, comme Kayes-Mahina et Bamako-Kayes au Mali. En avril dernier, le trafic voyageurs international entre le Sénégal et le Mali a été interrompu. Motif invoqué : les voitures ne répondaient pas aux normes de sécurité requises. Selon Transrail, l’exploitation de ce service demeure très risquée, ce qui le rend difficilement assurable pour un opérateur privé. Pour éviter au concessionnaire d’être tenu juridiquement responsable des éventuels accidents ou dommages causés aux passagers, il a été décidé, d’un commun accord avec les États malien et sénégalais, que Transrail exploiterait la ligne à titre provisoire pour le compte et sous la responsabilité juridique des deux États, qui touchent les recettes et paient en contrepartie le personnel. Des efforts récemment fournis par les États pour améliorer la sécurité du matériel roulant ont permis au trafic voyageurs de reprendre fin mai entre les deux pays, mais les liaisons demeurent très irrégulières. Reste le problème des gares desservies, dont le nombre a été réduit d’environ deux tiers, au nom de la rentabilité économique, privant ainsi de nombreuses villes et villages du seul lien dont ils disposaient avec l’extérieur.
Pour les voyageurs et les populations riveraines de la voie ferrée, notamment celles de la région de Kayes au Mali, c’est la catastrophe. Outre les vagues de licenciements qui ont touché plusieurs centaines de cheminots, ce sont les déplacements et les revenus de nombreuses familles qui sont compromis.
Beaucoup de villageois faisaient du commerce à chaque arrêt de train, tirant parfois l’essentiel de leurs revenus de la vente de produits lors du passage des convois. Une situation dénoncée lors du « Forum des peuples », qui s’est tenu début juin à Kita, au Mali, au cours duquel la privatisation a été largement fustigée.

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