[Chronique] George Floyd : des statues d’esclavagistes prises pour cible par des antiracistes
Dans la foulée de la vague d’indignation qui a suivi la mort de l’Américain George Floyd, les statues d’esclavagistes ou colonialistes sont la cible de dégradations sur plusieurs continents, de Bristol à Bruxelles.
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Damien Glez
Dessinateur et éditorialiste franco-burkinabè.
Publié le 9 juin 2020 Lecture : 2 minutes.
Le meurtre déjà historique de George Floyd à Minneapolis se révèle être la goutte d’eau qui a fait déborder un vase dont on n’aurait anticipé ni la largeur, ni la profondeur. À l’amplitude géographique des répliques manifestantes s’ajoute aujourd’hui l’anachronisme légitime des analogies. Les réactions à la mort du supplicié afro-américain ont un effet domino sur des faits de plus en plus éloignés des États-Unis, de l’époque actuelle et du ressort dramaturgique de la tragédie du Minnesota.
Qu’importe le flacon de la catharsis pourvu qu’on ait l’ivresse d’une impression de réparation historique tant attendue. En France, la mort de Floyd fait écho au décès du jeune Adama Traoré, en 2016, après son interpellation dans la ville française de Beaumont-sur-Oise.
Au Royaume-Uni, ce dimanche, l’onde de choc provoquée par le drame de Minneapolis a reboosté des mouvements antiracistes qui, sous couvert du slogan « Black Lives Matter », s’en sont pris à la statue d’Edward Colston, un ancien parlementaire et marchand d’esclaves britannique du XVIIe siècle, érigée à Bristol en 1895.
The moment a statue of slave trader Edward Colston toppled into Bristol’s harbour. ‘It’s what he deserves. I’ve been waiting all my life for this moment’ someone told me in the moments after. pic.twitter.com/6juqVrsJ6V
— Sarah Turnnidge (@sarah_turnnidge) June 7, 2020
Alors qu’une pétition tentait, depuis trois ans, d’obtenir son déboulonnage, la sculpture de plus de cinq mètres a été traînée dans les artères de la ville, avant de finir sa chute dans l’Avon, la rivière locale. Si la secrétaire d’État à l’Intérieur, Priti Patel, a dénoncé un acte « absolument honteux », le maire de Bristol, Marvin Rees, a invité chacun à écouter « ceux qui estimaient que cette statue constituait un affront à l’humanité ».
Défouloirs
En attendant que les racistes contemporains soient jugés, les statues deviennent des défouloirs de nature à faire le buzz : celle renversée de feu le général confédéré Williams Carter Wickham, ce samedi à Richmond en Virginie, ou celle simplement taguée de l’ancien Premier ministre et créateur de la police métropolitaine de Londres Robert Peel, à Glasgow en Écosse, graffée, ce dimanche, de la mention « ACAB », « All Cops Are Bastards » (« Tous les flics sont des bâtards »).
De l’évocation de brutalités post-esclavagistes à l’invocation du traumatisme colonial, il n’y avait qu’un pas et les Africains ont tôt fait de reconnaître le martyr de leurs ancêtres dans celui de l’Africain-américain Floyd. Or, quelles exactions coloniales furent plus ubuesques que celles de Léopold II au Congo ? Nombreuses, les statues de l’ancien roi des Belges sont depuis longtemps la cible des militants antiracistes. Là aussi, le mouvement Black Lives Matter a servi de catalyseur et d’accélérateur à cette grogne récurrente.
En Belgique, ces derniers jours, des foules ont vandalisé des statues de Léopold II à Anvers, Tervuren ou encore Ostende. À Bruxelles, des manifestants sont montés sur le monument à l’effigie de l’ancien roi pour y brandir le drapeau de la République démocratique du Congo. Congolese Lives Matter…
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