[Tribune] Coronavirus : une Conférence des peuples pour relancer l’Afrique

Face à la crise liée au coronavirus, l’Afrique résiste, avec ses moyens. Les États devraient sans plus attendre organiser une grande conférence pour unir leurs forces et trouver des solutions à la hauteur de l’enjeu.

33e sommet de l’Union africaine © Présidence sud-africaine

33e sommet de l’Union africaine © Présidence sud-africaine

Emmanuel Golou

Publié le 11 juin 2020 Lecture : 4 minutes.

Au tableau du bilan des victimes du Covid-19, ce n’est pas le désastre en Afrique. La réalité des chiffres est loin, pour l’instant, du discours catastrophique du début de la pandémie. Le propos n’est pas de blâmer les scientifiques qui ont tiré la sonnette d’alarme mais de remarquer que, face à cette crise, l’Afrique s’est organisée et continue d’ajuster ses solutions.

La nomination de quatre brillants Africains par le chef de l’État sud-africain, Cyril Ramaphosa, président en exercice de l’Union africaine (UA), en vue de mieux mobiliser l’aide économique de la communauté internationale en faveur de l’Afrique est un signe fort de la volonté de parler d’une seule voix dans cette crise. En attendant les résultats concrets du travail que fera ce quatuor, la mobilisation de nos pays, en majorité en voie de développement, est appréciable. 

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Le choc sera violent

Si le continent ne compte pas, pour le moment, un bilan humain très lourd, il doit peut-être se préparer au pire quant aux conséquences économiques et sociales. Les économies, essentiellement informelles, ont connu un fort ralentissement avec des pertes d’emplois et des arrêts momentanés de travail à cause des mesures de cordons sanitaires ou de semi-confinement. Les exportations de matières premières sont également touchées. La balance commerciale et la balance des paiements seront profondément affectées.

Malgré les plans de soutien des partenaires techniques et financiers, le choc économique et social post-Covid-19 sera violent, comme l’avaient été les retombées de la crise financière de 2008.

À cette époque, dans un livre intitulé L’Afrique face à la crise financière internationale, j’écrivais : « Dès le début de la crise, beaucoup d’experts avaient estimé que, du fait de sa faible insertion dans le commerce international (3 %), l’Afrique sera épargnée par ses effets. Même tardivement, les effets sont apparus, et tous les pays sont touchés. Très limités dans le secteur financier, ils sont profondément ressentis dans l’économie réelle (mines, pétrole, produits agricoles, etc.). » En un mot, la structure des économies africaines sera mise à rude épreuve.

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Mobilisation des gouvernements

Les femmes et les jeunes, cibles fragiles des crises économiques, ne seront pas du tout épargnés. Il va certainement falloir mettre en œuvre des programmes spécifiques visant ces deux catégories socio-économiques pour compenser les pertes d’emplois et de revenus dues à la crise sanitaire. C’est pour cela qu’il faut saluer la récente sortie du directeur général du Bureau international du travail, qui recommande qu’après la reprise l’emploi des jeunes soit la priorité des gouvernements. 

Comme ce fut le cas durant la crise financière de 2008, les gouvernements doivent être au cœur des solutions. Les limites d’une économie de marché toute-puissante sont encore une fois mises sur la table. L’intervention de l’État fixera davantage les rôles de chaque acteur dans la phase de relance. 

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Le plan de relance que préparent les dirigeants européens pourrait faire pâlir d’envie plus d’un responsable en Afrique. Malgré quelques divergences entre eux, ils finiront par sauver l’essentiel de leurs économies. Par contraste, la riposte économique pour le compte du continent africain est actuellement résumée à quelques bonnes intentions de la communauté internationale. La profondeur des impacts de la crise nous oblige à nous réinventer. 

Repenser l’Afrique

L’Afrique doit profiter de cette urgence pour mieux se projeter dans un futur plus prometteur. C’est le sens de la tribune de 100 intellectuels africains, dans laquelle ils déclarent que « les dirigeants africains peuvent et doivent proposer à leurs sociétés une nouvelle idée politique de l’Afrique ».

Si on peut saluer la mobilisation sur le plan institutionnel de la Commission de l’Union africaine et de la présidence en exercice de cette organisation, il est temps de faire appel aux forces vives du continent dans leur diversité pour repenser l’Afrique dans sa globalité et à travers les outils de développement qui sont déjà mis en place ou qui sont à créer.

La crise que nous traversons a révélé un fort désir de bonne gouvernance des Africains.

Il s’agit notamment de la Zone de libre-échange continentale en Afrique (Zleca) et de l’Agenda 2063, qui englobent les principaux programmes de croissance économique et de développement du continent. Des défis comme le financement de la lutte contre le terrorisme et l’emploi des jeunes méritent des solutions plus innovantes et efficaces.

La crise que nous traversons a révélé un fort désir des Africains de débattre sur le devenir de leur continent, un fort désir de bonne gouvernance. D’où ma proposition d’ouvrir le débat à l’occasion d’une Conférence des peuples pour la relance de l’Afrique.

Cette conférence ne sera ni une de plus ni un folklore. Des représentants de chaque segment de la société dans nos pays pourront, à travers leurs propositions, compléter les outils de développement déjà en place. S’appuyer sur l’urgence pour bâtir de nouvelles perspectives, c’est le nouveau choix qui s’impose à l’Union africaine. Des solutions inspirées par les peuples et pour les peuples. Une façon de revenir à l’idéal démocratique et panafricaniste.

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