Rapatriés à intégrer

Plus de 350 000 Burkinabè de Côte d’Ivoire ont été contraints de rentrer au pays. Un souci pour l’État, qui doit favoriser leur réinsertion.

Publié le 23 août 2004 Lecture : 4 minutes.

Quarante-trois pour cent de la population vit en dessous du seuil de pauvreté, un indice du développement humain parmi les plus bas… Indéniablement, le Burkina n’est pas un pays riche. Mais l’ennui, c’est que la paupérisation semble progresser. Pour Lassina Zampou, éducateur social de Médecins sans frontières, la hausse de 40 % du nombre d’enfants de la rue entre avril 2003 et avril 2004 est un signe indéniable de cette tendance.
Entre autres causes, selon lui, le projet Zaca, qui a entraîné la démolition d’habitations avec le relogement des locataires « officiels », mais pas de tous ceux qui dormaient ici ou là. Sont également soulignés la politique de privatisation des entreprises nationales, qui a entraîné des licenciements, et l’afflux de rapatriés de Côte d’Ivoire, qui n’ont pas tous bénéficié d’une prise en charge. L’opération Bayiri des autorités et celle de l’Office des migrations internationales (OMI) ont respectivement permis de rapatrier 7 172 et 6 604 personnes de Côte d’Ivoire. Selon le ministère de l’Action sociale, quelque 350 000 Burkinabè sont en effet rentrés au pays par leurs propres moyens. Tous n’ont pas choisi d’être réinsérés. D’ailleurs, de nombreux hommes sont repartis, après avoir installé leur famille au Burkina Faso. Car, comme le souligne Youssouf Ouédraogo, ministre burkinabè des Affaires étrangères, « pour beaucoup d’entre eux, leur patrie est la Côte d’Ivoire. Ici, ils n’ont rien. » Des centres d’accueil, ouverts à tous, ont été installés pour ceux qui ont choisi de rester, explique le ministre. Mais au-delà de ces structures temporaires, il a ensuite fallu faciliter leur réinsertion socio-économique.
Le 27 juillet 2003, le Conseil des ministres a donc adopté un plan d’appui de 17 milliards de F CFA, dont la mise en oeuvre se fait progressivement. L’éducation, la santé, l’agriculture, la sécurité sont parmi les secteurs cibles de ce plan qui ne doit pas, comme le souligne Mariam Lamizana Traoret, le ministre de l’Action sociale et de la Solidarité nationale, « entraîner des frustrations au sein de la population, mais être un coup de pouce pour aider les rapatriés à s’intégrer dans leur communauté ». Pour ceux qui exerçaient en tant qu’instituteurs ou infirmiers, par exemple, le ministère du Travail a fourni une aide en facilitant le transfert des dossiers aux services concernés. La réinsertion des agriculteurs, auxquels une parcelle de terre a été attribuée, a notamment été financée, à hauteur de 145 millions de F CFA, par l’Organisation des Nations unies pour l’alimentation et l’agriculture (FAO), qui, d’avril à décembre 2003, a fourni à 3 000 familles les intrants nécessaires à la campagne de l’année en cours. La Croix-Rouge a également permis à 16 000 personnes de s’équiper en semences et en petit matériel agricole pour pouvoir se lancer dans leur nouvelle vie. D’un point de vue éducatif, les pouvoirs publics ont demandé aux établissements scolaires de conserver des places pour les enfants de rapatriés. Ainsi, lors de la rentrée 2003-2004, près de 15 000 élèves dont le cursus avait été interrompu en Côte d’Ivoire ont pu reprendre les cours, dans le primaire, le secondaire ou à l’université. Le Fonds des Nations unies pour l’enfance (Unicef) a, quant à lui, financé à hauteur de 100 millions de F CFA sur trois ans un recensement des rapatriés.
Enfin, les Burkinabè ont su se montrer généreux en fournissant de nombreux dons de vivres, de produits pharmaceutiques ou d’hygiène, de vêtements et de matériel scolaire. Un phénomène similaire à celui qui s’est produit au plus fort de la crise, lorsque l’opération Bayiri a été déclenchée. Une collecte financière avait même été organisée et avait rapporté 558 millions de F CFA, comblant l’essentiel de la facture gouvernementale, qui s’élevait à 567 millions de F CFA. Finalement, tout le monde y a mis du sien, ce qui a permis d’éviter une crise humanitaire et la propagation de maladies.
L’insécurité alimentaire est, selon la Croix-Rouge locale, un mal chronique de la pauvreté. « Plus on s’éloigne des centres urbains, plus il y a de misère », explique Weleti Maïga, le directeur national. De fait, la pauvreté touche majoritairement les populations rurales, mais connaît une forte progression en ville. Et le Cadre stratégique de lutte contre la pauvreté (CSLP) ne semblait plus suffire. Décision a donc été prise par le gouvernement de lancer un Programme d’actions prioritaires 2004-2006 de 1 394 milliards de F CFA, au sein duquel les réformes se focalisent sur l’accélération de la croissance, l’amélioration de l’accès des pauvres aux services sociaux de base et l’élargissement des opportunités en matière d’emploi. Avec pour objectif de développement d’atteindre, en 2006, un taux de pauvreté globale de 30 % en 2015. Ce qui implique un accroissement du revenu par habitant d’au moins 4 % par an. Ces objectifs ambitieux nécessitent le développement du secteur privé, notamment par la poursuite du processus de privatisation et la promotion de l’investissement. Les autorités devront veiller à réduire le nombre de formalités nécessaires à la création d’entreprises et à proposer des incitations fiscales.
Plus de 60 % des financements sont déjà acquis. Reste à réunir 539 milliards de F CFA, ce qui donnerait aux autorités les moyens de leurs ambitions.

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