Qui sont les Banyamulenges ?

Question de Paul Courbate, Bagnolet, France

Publié le 23 août 2004 Lecture : 3 minutes.

Alors que le débat sur la nationalité bat son plein en République démocratique du Congo (RDC), il est une communauté qui a bien du mal à faire reconnaître son appartenance à la nation : les Banyamulenges, ces habitants du Kivu sommairement qualifiés de « Congolais tutsis », quand on ne les traite pas purement et simplement de « Rwandais ». Il faut dire que depuis l’indépendance du pays, en 1960, le sort de cette population a été étroitement lié aux vicissitudes politiques de l’ancienne colonie belge.
Le terme est devenu familier à la fin de 1996, lorsque la rébellion qui allait chasser Mobutu du pouvoir a pris naissance dans l’est de la RDC (Zaïre à l’époque). On a alors découvert que le gros des troupes de l’Alliance des forces démocratiques pour la libération du Congo-Zaïre (AFDL) était composé de recrues parlant le kinyarwanda, la langue du « pays des Mille Collines ».

En réalité, le nom de Banyamulenge est emprunté à celui de la colline de Mulenge, non loin d’Uvira, dans le Sud-Kivu. Comme le rappelle Colette Braeckman dans L’Enjeu congolais (Fayard, 1999), il est apparu au début des années 1960, lorsque les pasteurs tutsis de cette zone, afin de se défendre des incursions de la rébellion dirigée par un certain Laurent-Désiré Kabila, ont voulu se différencier d’autres Tutsis, contraints de fuir le Rwanda en 1962 après que l’indépendance de ce pays se fut accompagnée d’une « révolution » portant au pouvoir les représentants de la majorité hutue.
La présence de populations d’origine rwandaise au Congo remonte en fait à la fin du XVIIIe siècle, bien avant donc l’arrivée des colonisateurs belges. Des groupes d’éleveurs tutsis, désireux de trouver de nouvelles terres, se sont alors établis au Sud-Kivu, dans le territoire de Mwenga, où les chefs locaux leur ont concédé l’utilisation de pâturages. Combien sont-ils aujourd’hui ? Trois cent mille selon les porte-parole de leur communauté. Cinquante mille d’après les autorités de Kinshasa.

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Au Nord-Kivu, l’implantation de Rwandais s’est faite, elle aussi, avant le découpage colonial sanctionné par la conférence de Berlin de 1884-1885. Des clans composés à la fois de Hutus et de Tutsis vivaient déjà dans la région de Rutshuru, à Walikale, à Goma et dans le massif de Masisi. Les Belges, au début du XXe siècle, encourageront d’ailleurs un mouvement d’émigration des Rwandais vers cette zone qu’ils souhaitaient mettre en valeur. À un point tel que les Banyarwandas, nom qu’on attribue à cette population du Nord-Kivu parlant le kinyarwanda, sont aujourd’hui, selon certaines sources, près de 3 millions, se répartissant à parts égales entre Tutsis et Hutus.
Longtemps, les Banyamulenges et les Banyarwandas ont été considérés comme des citoyens congolais. Au moment de l’indépendance, en 1960, la nationalité a été octroyée à tous les groupes vivant dans le pays avant la fameuse conférence de Berlin. En 1972, à l’instigation de Barthélemy Bisengana, directeur du bureau de la présidence, lui-même d’origine tutsie, le général Mobutu décida une naturalisation collective de tous les Rwandais vivant au Zaïre. La mesure, mal accueillie dans l’est du pays, sera abrogée en 1981.
C’est à partir de 1991 que les choses se gâtent. Le processus démocratique au Zaïre incite les politiciens de l’est du pays à jouer sur les tensions ethniques pour conforter leur assise locale. En 1993, encouragées par certains membres du gouvernement, des milices attaquent les communautés hutues et tutsies du Nord-Kivu. L’arrivée massive de réfugiés rwandais en 1994, après la victoire de l’Armée patriotique rwandaise (APR) de Paul Kagamé, accroît les tensions. Les milices hutues attisent en effet la haine contre les Tutsis congolais. Le gouvernement zaïrois ira jusqu’à ordonner à ces derniers de quitter le pays

C’est justement au nom des exactions subies par les Banyamulenges que, par un de ces retournements d’alliance dont il avait le secret, Laurent-Désiré Kabila, appuyé par ses alliés rwandais et ougandais, justifiera la rébellion d’octobre 1996. De nombreux Banyamulenges rejoignent alors l’AFDL. Avant que, un an plus tard, ils ne se détournent du nouveau pouvoir et gagnent les rangs des déçus du kabilisme, formant le noyau dur du Rassemblement congolais pour la démocratie (RCD), le mouvement de rébellion qui va prendre le contrôle de l’est du pays. Bref, à chaque étape de l’histoire chaotique du Congo indépendant, les Banyamulenges se retrouvent dans l’oeil du cyclone.
Pourtant, qu’ils soient du Nord- ou du Sud-Kivu, les populations rwandophones ont un seul désir : être reconnus comme des citoyens congolais à part entière. On peut espérer que la paix qui est en voie de s’établir dans cette région leur permettra de voir leurs aspirations satisfaites.

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