Pourquoi Kadhafi a fait marche arrière
L’administration Bush vient d’inviter la Corée du Nord de Kim Jong-il à imiter le « choix stratégique » de la Libye de Mouammar Kadhafi et à renoncer volontairement à son programme nucléaire. Mais si cette initiative est fondée sur l’hypothèse que la Libye a pris cette décision pour éviter une attaque préventive, elle a tout faux. Kadhafi n’a pas été ramené à la raison par la menace d’une action militaire. Sa décision de renoncer à son programme nucléaire a été motivée par des raisons de politique intérieure.
Depuis trente-cinq ans, Kadhafi utilise les royalties du pétrole pour s’assurer l’allégeance des Libyens, parfois pour faire des dons directs à des personnages influents et à des chefs de tribu, mais aussi sous la forme d’un système de sécurité sociale à financement public, d’énormes projets de développement urbain et d’éducation gratuite pour tous. Mais deux décennies de sanctions imposées par l’Amérique et par l’ONU ont réduit les revenus pétroliers de la Libye. Les gisements de pétrole s’épuisent, l’exploration a pratiquement cessé, et la Libye s’est vu interdire d’importer les nouvelles technologies d’exploitation.
Dans le même temps, la population libyenne a explosé. En 1982, il y avait moins de 3 millions de Libyens. Ils sont aujourd’hui plus de 5 millions. Conjugué à la diminution des revenus pétroliers, l’accroissement de la population a affaibli les possibilités de Kadhafi de se maintenir au pouvoir.
Vers le milieu de la décennie 1990, une nouvelle génération de réformateurs a donné à penser à Kadhafi qu’il ne pourrait pas continuer à contrôler le pays sans revenus accrus. Comme il ne disposait pratiquement pas d’autres ressources, la seule option était d’augmenter les recettes du pétrole. Mais pour cela, Kadhafi avait besoin de faire lever les sanctions. Les mesures qu’il a prises concernant l’attentat de Lockerbie, le vol UTA et enfin le renoncement aux armes de destruction massive n’avaient d’autres buts que d’obtenir la levée des sanctions.
Mais, en prétendant que la décision de la Libye est la conséquence des menaces américaines, l’administration Bush fonde sa politique sur des prémisses erronées. Kadhafi n’a pas fait machine arrière parce qu’il avait peur que les États-Unis le renversent, mais parce qu’il avait peur de ne plus avoir les bases intérieures de son pouvoir. L’administration Bush ne devrait pas être surprise que Kim Jong-il réponde que les toutes dernières ouvertures des États-Unis sont de « la poudre aux yeux ». La politique de préemption n’a pas fonctionné en Libye, et il est peu probable qu’elle obtienne des résultats en Corée du Nord.
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