Porter Goss fera-t-il le poids ?

Publié le 23 août 2004 Lecture : 3 minutes.

Il avait promis à Mariel, sa femme, d’abandonner la politique. Mais lorsque, le 9 août, le président Bush l’a invité à dîner à la Maison Blanche et lui a proposé la direction de la CIA, Porter Goss n’a pas pu résister.
Le poste était vacant depuis la démission de George Tenet en juin (voir J.A.I. n° 2266). Mais on pensait que George Bush ne nommerait pas un nouveau directeur avant la présidentielle de novembre : depuis les attentats du 11 septembre 2001, l’Agence traverse une crise grave et l’audition du candidat au poste par le Sénat, qui doit en approuver la nomination, expose l’administration aux attaques des démocrates.

Le 10 août, Bush a tranché : « J’ai trouvé l’homme qu’il faut pour diriger la CIA dans une période critique pour notre pays. » Une manière de répondre aux remarques acerbes de la commission d’enquête sur les attentats du 11 septembre et de la commission du renseignement du Sénat, qui avaient dénoncé « l’échec du gouvernement à protéger le peuple américain » et épinglé la CIA pour avoir fourni des informations « non étayées » sur la possession, par Saddam Hussein, d’armes de destruction massive (ADM).
Reste à savoir si Goss, lui-même ex-agent de la CIA, saura mener à bien les réformes indispensables. Certains doutent de sa capacité à émettre un jugement objectif à l’égard d’une maison dont il est issu et d’une administration dont il est un zélé serviteur. Voire redoutent que les interférences entre l’exécutif et le renseignement, dont on a constaté les effets négatifs (notamment dans l’affaire des ADM fantômes), ne se perpétuent. Goss étant un proche du vice-président Dick Cheney, qui continue d’affirmer qu’il y a des ADM en Irak, on peut se poser des questions…
Son examen de passage devant le Sénat, début septembre, pourrait être mouvementé. John Rockefeller, vice-président (démocrate) de la commission du renseignement, qui dirigera les auditions, a annoncé qu’il ne se montrerait pas tendre. Et si John Kerry devait être élu président, les chances de Goss d’être confirmé dans ses fonctions paraissent quasi nulles. Il s’est déjà « grillé » en qualifiant les positions du candidat démocrate en matière de non-prolifération de « dangereusement naïves ».
Au pays des Candide, Goss est peut-être le roi : le réalisateur Michael Moore a diffusé des extraits d’un entretien recueilli en mars par son équipe. Goss y affirmait qu’il « n’était pas assez qualifié » pour entrer à la CIA aujourd’hui, qu’il « n’avait pas les connaissances suffisantes en langues étrangères ». Et concluait : « Comme mes enfants me le rappellent tous les jours : « Papa, il va falloir que tu fasses des progrès avec ton ordinateur ! » »

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Embarrassant pour celui qui pourrait devenir un « prince de l’intelligence ». Car Bush s’est rallié à une proposition de la commission du 11 septembre : nommer, à terme, un superdirecteur chargé de chapeauter les quinze agences fédérales de renseignement. Ce pourrait être Goss (qui céderait alors sa place à la CIA), ou bien un tiers (Goss voyant alors ses fonctions diminuées).
Une chose est sûre : Bush peut compter sur cet homme intègre et plein d’humour. Né en 1938 à Waterbury (Connecticut) dans un milieu très aisé, il est recruté par l’armée à sa sortie de Yale, en 1960, et affecté au renseignement. Deux ans plus tard, il entre à la CIA, service des opérations clandestines. Il reconnaît simplement avoir travaillé en Europe et en Amérique latine et avoir vécu des « moments intéressants » lors de la crise des missiles de Cuba en 1962.

Une mystérieuse maladie met fin à sa carrière en 1971. Il s’installe dans l’île de Sanibel (Floride), en devient le maire et se pique au jeu : élu de la Floride à la Chambre des représentants sous l’étiquette républicaine en 1988, il devient président de la commission du renseignement de cette assemblée en 1997. À la demande de Cheney, il renonce à mettre fin à sa carrière en 2002 : en pleine tourmente post-11 septembre, l’administration Bush a besoin de lui. De fait, il défendra toujours la CIA dans ces moments difficiles. À une exception près : le 23 juin, il approuve un rapport virulent à son égard. Au point que Tenet riposte dans une lettre ouverte. Goss, le sachant sur le départ, le poussait vers la sortie. À lui de jouer maintenant.

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