Ils distribuent les bons points aux États
Pour ces experts en calcul de solvabilité, la notation est un art qui s’applique à tous les types d’entités : entreprises, villes, pays… Et ne leur dites surtout pas qu’ils font de l’audit !
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Maître ès risques – Christian Esters, Directeur Afrique des notes souveraines chez Standard & Poor’s
« La notation est un processus collégial et concerté. Elle ne repose pas sur les impressions d’un ou deux analystes », avertit d’emblée Christian Esters. À 42 ans, cet Allemand dirige les équipes de Standard & Poor’s (S&P) chargées du risque souverain pour les pays de l’ex-URSS, du Golfe et de l’Afrique. Et ce après avoir passé dix ans seulement au sein de l’agence. Il refuse pourtant de tirer la couverture à lui.
Après un parcours universitaire en France et en Allemagne qui l’a vu empiler les diplômes en économie (université de Passau), en administration publique (École nationale d’administration) et en relations internationales et développement (université de Toulouse), c’est à l’enseignement de l’économie (de nouveau à l’université de Passau) qu’il se consacre pendant deux ans. Son vocabulaire oscille d’ailleurs entre le jargon technocratique, pour esquiver les questions pièges, et le discours professoral, pour « dissiper les malentendus » sur son métier.
Opinion
Lorsqu’on l’interroge sur les conséquences des rapports des agences sur les politiques économiques des États, il rappelle que « la notation est réalisée à la demande expresse des gouvernements, qui décident en dernier recours de la rendre publique ou non ». Une relation contractuelle d’autant plus nécessaire, glisse-t-il dans un français impeccable, « qu’une notation ne se fait pas seulement à partir des données publiques ».
Rapports confidentiels, mémos de diplomates, rencontres avec le secteur privé lors de missions… Les sources sont multiples. « La notation n’est pas un audit, rappelle cet ancien de PricewaterhouseCoopers (PwC). C’est une opinion sur la solvabilité d’un État. Elle ne repose pas sur une estimation de 0,5 % de croissance en plus ou en moins. »
À l’écouter, le plus important avec l’Afrique est moins ce qu’elle a de spécifique que ce qui la lie aux autres parties du monde. L’investisseur international peut choisir le Venezuela ou le Mozambique, le Nigeria ou l’Inde : c’est d’abord lui que les analyses de S&P doivent informer. Depuis Francfort et en quatre langues, Christian Esters y veille.
À l’américaine – Stanislas Zézé, PDG de Bloomfield Investment
Dans les années 1990, c’est à Bloomfield Hills, une communauté ultrariche d’à peine 4 000 âmes située dans l’État du Michigan, aux États-Unis, que Stanislas Zézé, alors jeune diplômé, a trouvé l’inspiration. Le patron de Bloomfield Investment se souvient : « L’endroit m’a paru symboliser la réussite sociale. Et je me suis juré que ma première entreprise porterait ce nom. » Promesse tenue. À 45 ans, l’Ivoiro-Américain dirige depuis 2008 l’une des deux agences de notation de l’Union économique et monétaire ouest-africaine (UEMOA).
Zézé. Dr" class="caption" style="margin: 4px; border: 0px solid #000000; float: left;" />Mais avant cela, il a fallu acquérir de l’expérience. Aux États-Unis, d’abord, où « Stan », après un master en administration publique décroché en 1995 à l’université du Michigan, s’engage dans une carrière d’analyste du risque. Il reste deux ans à la National Bank of Detroit avant de rejoindre à Washington les équipes Afrique de la Banque mondiale. En 2001 vient l’heure du retour aux sources. Il intègre la Banque africaine de développement (BAD), à Abidjan, et supervise la mise en place du système de notation des pays. Puis, en 2004, il est débauché par le pétrolier Shell pour devenir directeur du risque pour l’Afrique de l’Ouest et l’Afrique centrale, avant de finalement fonder Bloomfield Investment.
Mozart
« Cette agence, explique-t-il, répond aux besoins de transparence et de bonne gouvernance des entités privées et publiques de la région. » Bloomfield revendique notamment un rôle actif dans l’adoption d’une notation obligatoire pour toutes les sociétés cotées à la Bourse régionale des valeurs mobilières (BRVM), à Abidjan. L’agence peut aussi se vanter d’avoir noté la ville de Dakar, fin 2013 – une première -, et s’apprête à faire de même pour Abidjan et la commune du Plateau.
Aujourd’hui, cet amateur de musique classique – des bustes de Beethoven et de Mozart trônent dans son immense bureau du Plateau – dirige une douzaine de consultants permanents, un nombre qu’il espère voir passer à trente d’ici à deux ans. Mais tout n’est pas encore idéal : aucun État africain n’a pour le moment fait confiance à Bloomfield Investment.
Lire aussi :
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Risque crédit : après Dakar, Bloomfield note Abidjan
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