Lifting à la fac

Après les mouvements étudiants de 1999-2000, l’État a réformé le système d’enseignement et agrandi le campus de Ouaga. Ce qui ne sera pas de trop pour accueillir les 4 000 nouveaux bacheliers.

Publié le 23 août 2004 Lecture : 5 minutes.

Les affres de l’année blanche de 1999-2000 sont oubliées. Le campus de Ouagadougou vit désormais au rythme de la refondation du système universitaire. Et il faut bien dire que l’ambiance a changé sur le campus. Les trois années de réformes ont permis de faire baisser la tension et d’entamer une réconciliation entre les élèves et leur université. Une amélioration des conditions de travail qui se traduit concrètement puisque de 30 % avant la refondation, le taux de réussite aux examens est passé à 64 % sur les trois dernières années, soit depuis l’adoption du système d’enseignement modulaire.
La première urgence était dans le manque de places. Nombreux en effet étaient ceux qui devaient suivre les cours assis sur les marches de l’amphithéâtre, ou de l’extérieur, en ouvrant portes et fenêtres. À l’époque, les délégués de l’Association nationale des étudiants burkinabè expliquaient qu’il n’était « pas rare de voir les étudiants affluer dès 4 heures du matin pour avoir une place assise en amphi ou pour pouvoir assister aux travaux pratiques ». Désormais, les étudiants disposent de sept amphis, dont deux financés par la Libye, et pouvant accueillir chacun 1 100 élèves. Deux autres, financés par l’État et de capacité équivalente, ouvriront leurs portes lors de cette rentrée 2004-2005, avec un peu de retard puisqu’ils étaient annoncés pour avril. Ces neuf amphithéâtres ne seront toutefois pas de trop pour absorber à la rentrée les 4 000 bacheliers, auxquels s’ajouteront 2 600 jeunes qui jusque-là avaient cours sur le site du Salon international de l’artisanat de Ouagadougou (Siao), un lieu qui doit être restitué à son locataire traditionnel. Au total, le campus accueillera donc en septembre environ 20 000 étudiants. Cette fréquentation exponentielle posera donc toujours le problème des infrastructures. Quoi qu’il en soit, grâce à ces locaux climatisés flambant neufs, le campus a repris vie. Lieux de prières, petites cahutes vendant boissons, piles ou produits alimentaires, palabres sur le bord du chemin, l’endroit déborde d’activité. Un peu trop même aux dires de certains, car l’insécurité s’y développerait. Mais cet aspect, auquel devrait tenter de remédier le ministère de la Sécurité par la mise en place d’une police spécifique, est à mettre sur le compte de la recrudescence du petit banditisme constatée à Ouagadougou. La nouvelle cité universitaire, dotée de 750 lits, qui s’ajouteront aux 600 déjà répartis sur trois sites, est également très attendue par les étudiants. Le bilan définitif des améliorations du campus pourra être tiré en 2006, au terme du plan quinquennal de développement stratégique instauré début 2002 par le professeur Traoré.
L’autre objet de discorde, en 1999-2000, était l’octroi des bourses, prêts et autres aides aux étudiants. Aujourd’hui, sur les 20 000 personnes fréquentant l’université, « seules 500 ne perçoivent aucune aide », explique Joseph Paré, président de l’université. Cinq cents bénéficient de bourses « d’excellence » attribuées aux bacheliers ayant obtenu une mention très bien à leur examen. Pour les autres bourses de premier et de deuxième cycle, des conditions d’âge et de revenus sont applicables. Deux mille étudiants ont été éligibles en 2003. Pour ceux qui ne s’intègrent pas dans ces critères, « des aides pour assurer le quotidien, d’un montant de 130 000 F CFA [198 euros] annuels, sont versées pendant le premier cycle », explique le président de l’université.
Ensuite, au deuxième cycle, possibilité leur est offerte de souscrire un emprunt, d’un montant de 165 000 F CFA (252 euros) et attribué en trois ou quatre tranches. Quant aux étudiants de troisième cycle, auxquels des prêts sont également proposés, ils peuvent aussi disposer de bourses, mais avec des critères d’éligibilité encore plus contraignants que pour les étudiants du premier cycle. Au grand dam du ministère de l’Enseignement secondaire, supérieur et de la Recherche, qui souhaite « encourager les études longues ». Mais le manque de fonds empêche de faire plus. D’où l’intérêt de pouvoir bénéficier des quelques centaines de bourses octroyées par différents organismes de coopération bilatérale. Malgré un relèvement des niveaux des différentes formes d’aides, les étudiants les estiment toujours insuffisantes, et la régularité de leurs paiements trop aléatoire…
Le corps enseignant, constitué de 357 professeurs, a également bénéficié de quelques modifications de statut, financières pour la plupart. Une nouvelle grille de salaires a été élaborée, et les taux des heures complémentaires, de la prime de recherche et du forfait des voyages d’études ont été revus à la hausse.
Mais c’est certainement du côté des enseignements que la refondation a été le plus radicale. D’abord, parce que le statut juridique de l’Université a changé, passant « d’établissement public à caractère administratif » à « établissement public à caractère scientifique, culturel et technique ». Cette évolution permet la participation des entrepreneurs privés, des chambres de commerce et d’industrie ou encore de la société civile aux prises de décision, notamment en termes de définition du cursus. Et dans un pays où 70 % des jeunes diplômés ne trouvent pas d’emploi, professionnaliser les études devenait une urgence.
L’autre innovation a consisté à mettre en oeuvre un système modulaire d’enseignement, offrant aux étudiants la possibilité d’organiser leur emploi du temps au cours de l’année et leur évitant de passer tous leurs examens au même moment. Selon Joseph Paré, cette nouveauté explique l’amélioration spectaculaire des résultats. L’Université de Ouagadougou obtient « un taux de succès supérieur à celui du taux moyen des établissements membres du Conseil africain et malgache pour l’enseignement supérieur [Cames] ». Peut-être trouve-t-on dans ce taux de réussite, mais aussi dans la relative stabilité politique du pays, la raison d’un afflux croissant d’étudiants étrangers au Burkina. Ils représentent aujourd’hui un peu plus de 5 % de la population du campus. Lequel a acquis une bonne réputation dans la sous-région. La présence de deux écoles interétatiques, le Centre de recherche en sciences biologiques, alimentaires et nutritionnelles et l’École inter-États d’ingénieurs de l’équipement rural, qui forme également des techniciens supérieurs, n’y est certainement pas pour rien. Dotés de matériel performant et animés par du personnel motivé, ces établissements assurent des formations de haut niveau.
La réforme profonde de l’Université est donc en cours. Nul doute que les syndicats d’étudiants, l’Association nationale des étudiants burkinabè (Aneb) en tête, qui a remporté les élections des représentants estudiantins avec 53 % des voix le 24 juin dernier, veillent à la bonne évolution de ces chantiers.
La prochaine étape à franchir sera indéniablement de parvenir à professionnaliser les formations. Car lors de la création de l’université, en 1974, seuls 374 étudiants fréquentaient les lieux. Et, comme le souligne Joseph Paré, « jusque dans les années 1980 tous les diplômés trouvaient du travail dans la fonction publique ». Cette situation désormais révolue, il faut offrir d’autres alternatives aux étudiants que celle d’aller pointer au chômage ou d’alimenter le secteur informel.

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