Le Congrès de la Soummam

Publié le 23 août 2004 Lecture : 3 minutes.

Une semaine avant le 1er novembre 1954, à l’issue d’une réunion destinée à mettre au point les modalités du déclenchement de la lutte armée, six chefs « historiques » de la guerre de libération de l’Algérie décident de se retrouver deux mois et demi plus tard, à Alger, pour faire le point. Il y a là les chefs des cinq zones opérationnelles du tout nouveau FLN : Mostefa Ben Boulaïd (Aurès), Didouche Mourad (Nord-Constantinois), Belkacem Krim (Kabylie), Rabah Bitat (Algérois) et Larbi Ben M’Hidi (Oranais). Plus le coordonnateur qu’ils se sont choisi, Mohamed Boudiaf, qui prend aussitôt la route du Caire, où il doit retrouver les trois autres « historiques » du Front, réfugiés depuis longtemps à l’étranger : Ahmed Ben Bella, Hocine Aït Ahmed et Mohamed Khider.
Tout ne se passe pas comme prévu. Certes, dans la nuit du 1er novembre, une trentaine d’attentats ont fait beaucoup de bruit et quelques dégâts d’un bout à l’autre des trois départements « français ». Mais ensuite, jusqu’à l’été 1956, toute coordination entre les zones – on ne parle pas encore de wilayas – se révèle impossible. À cause de la faiblesse des unités de l’ALN, qui ne parviennent pas à se procurer d’autres armes que celles difficilement récupérées sur l’ennemi, mais aussi, et surtout, de l’ampleur exceptionnelle de la répression.

Boudiaf, qui se partage entre Le Caire et l’enclave espagnole de Nador, au Maroc, n’a jamais pu revenir en Algérie. Ben M’Hidi dirige le plus souvent les opérations dans l’Oranais depuis l’autre côté de la frontière. Et les dirigeants de l’Algérois, des Aurès et du Nord-Constantinois ont été soit arrêtés (Bitat), soit tués (Didouche, puis Ben Boulaïd) par les Français. Des opérations d’envergure ont bien été menées, notamment le 20 août 1955 dans le Constantinois, où des milliers de fellahs encadrés par des djounouds (maquisards) ont brièvement pris le contrôle de plusieurs villes, mais au coup par coup, à l’initiative de chaque zone.
Une rencontre au sommet pour réunifier le FLN et l’ALN, leur donner une direction et une plate-forme politiques dignes de ce nom apparaît donc indispensable. Le Congrès de la Soummam, du nom de la vallée de Kabylie où il a lieu officiellement à partir du 20 août 1956, sera marquant à plus d’un titre. Beaucoup datent de cet événement la constitution du premier embryon d’État algérien. Paradoxalement, son grand artisan n’est pas l’un des « conjurés » du 1er novembre, mais un homme que Krim Belkacem, le dernier « historique » encore actif sur le terrain, a dépêché dans la capitale, après sa libération de prison, début 1955, pour renforcer la direction de la zone algéroise. En quelques mois, Abbane Ramdane est devenu la véritable tête politique du Front : c’est lui, depuis la mi-1955, négocie le ralliement au FLN de tous les courants nationalistes (ex-« centralistes » du MTLD, UDMA de Ferhat Abbas, oulémas, communistes, etc.), à l’exception du seul MNA de l’ancien leader indépendantiste Messali Hadj. C’est lui surtout qui, avec l’appui de Krim et de Ben M’Hidi, marquera de son empreinte le « programme » adopté lors du Congrès.

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La composition très ouverte des deux grandes instances créées pour diriger le FLN – un organe exécutif de six membres, le Comité de coordination et d’exécution (CEE) ; et une sorte de Parlement de trente-quatre membres, le Conseil national de la révolution algérienne (CNRA) – indique bien qu’à cette date, comme le souhaite Ramdane, ce sont les « politiques » et les hommes de l’intérieur qui imposent leur programme et leur leadership.
Le grand perdant se nomme Ben Bella, l’allié de Nasser, l’homme fort des dirigeants de l’extérieur, lesquels, pour des raisons « pratiques » très discutables, n’ont pas assisté au Congrès ils étaient pourtant invités. La « victoire » d’Abbane sera cependant de courte durée : en décembre 1957, le triomphateur de la Soummam, considéré comme gênant et trop intransigeant par les chefs militaires, sera assassiné par ses camarades de combat après avoir été attiré dans un piège, au Maroc. C’en sera fini – et pour longtemps – de la primauté des politiques sur les militaires en Algérie.

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