La foire aux métiers

La neuvième édition du Salon international de l’artisanat de Ouagadougou se tient du 29 octobre au 7 novembre. Un succès qui se confirme.

Publié le 23 août 2004 Lecture : 4 minutes.

«L’artisanat, c’est un peu notre pétrole », affirme fièrement Jean-Claude Bouda, le directeur général du Salon international de l’artisanat de Ouagadougou ( Siao ), qui se tient tous les deux ans dans la capitale burkinabè. Fort de cette conviction, l’homme a d’ailleurs choisi pour thème de la neuvième édition : « Investir dans l’artisanat africain, un secteur émergent ». Jean-Claude Bouda, qui promène une carrure impressionnante, n’a pas peur des mots. Chiffres à l’appui, il développe lentement mais sûrement son argumentaire.
Selon lui, 10 % à 25 % du Produit intérieur brut ( PIB ) des États africains proviennent de l’activité artisanale. Au Burkina, pays où les ressources naturelles sont rares, le secteur emploie environ un million de personnes. Une statistique néanmoins difficile à vérifier puisque les artisans ont souvent une double activité. Il n’est pas inhabituel de voir par exemple des fabricants d’outils agricoles endosser l’habit de paysan au moment des récoltes.
Car l’activité artisanale ne se résume pas à sculpter des statues d’ébène, à ciseler des boîtes touarègues ou à fabriquer des bijoux massaïs. L’artisanat d’art africain, le plus visible puisqu’il inonde les marchés et boutiques d’Europe ou d’Amérique, est loin d’être la branche la plus lucrative. La fabrication du matériel agricole, la menuiserie et autres activités associées au secteur informel, ou encore « l’artisanat de services » – coiffure, informatique, etc. – drainent beaucoup plus de capitaux et de travailleurs.
Du fait de la croissance de ce secteur, Jean-Claude Bouda estime qu’« il doit être pris en compte dans le cadre de la lutte contre la pauvreté ». Pour l’organisateur, l’artisanat est donc, on l’aura compris, un secteur d’avenir. Son atout principal : il ne nécessite pas un important capital de départ. « C’est, grosso modo, la transformation des ressources locales. Il n’y a pas besoin d’importer des matières premières ou du savoir-faire », explique le directeur.
Toutefois, pour des artisans aux faibles ressources, des aides sont bienvenues. Or celles-ci arrivent au compte-gouttes. Mais le directeur du Siao ne désarme pas, préférant proposer des pistes de réflexion. « Il nous faudrait par exemple développer une politique de formation professionnelle de manière à ce que les microentreprises artisanales soient à même de passer au statut de PME », insiste-t-il. Pour ce faire, il faut que les artisans bénéficient de facilités en matière de financement. C’est l’un des axes fondamentaux du Siao 2004. « Il est essentiel de permettre aux artisans de bien s’équiper pour augmenter leur productivité », continue Jean-Claude Bouda. Autre défi à relever pour les Africains : la qualité. Les problèmes de finition, pour n’évoquer que ceux-là, rendent les produits originaires du continent beaucoup moins compétitifs sur le marché international. D’autant que les objets d’art africain doivent rivaliser avec l’artisanat asiatique très prisé des Européens et dont « le fini est souvent plus soigné », admet un importateur installé en France. Pis, certains artisans asiatiques se sont mis aujourd’hui à copier les modèles africains. La copie risque-t-elle de devenir meilleure que l’original ?
Reste à trouver les financements pour renforcer le secteur. Les subventions, émanant des gouvernements ou des ONG, ne constituent pas une solution viable à long terme. Jean-Claude Bouda estime que les microcrédits sont une bonne alternative aux « banques, qui demandent trop de garanties ». L’organisateur du Salon évoque aussi comme solution de rechange un système de mutuelles ou de fonds de garantie. Des options qu’il entend étudier lors du rendez-vous d’octobre à Ouaga. Il espère surtout que la confrontation entre les artisans de différentes nationalités sera productive. Car, qu’ils soient du Burkina, d’Afrique du Sud ou d’Algérie, les artisans sont peu ou prou confrontés aux mêmes obstacles. « C’est ce type d’émulation que j’ai voulu créer en insistant sur l’internationalisation, ou plutôt sur la panafricanisation du Salon », explique le directeur, à la tête du Siao depuis 1997.
Jean-Claude Bouda avoue s’être heurté à de nombreuses réticences quand il a émis l’idée d’un salon international. Un dessein prétentieux pour Ouaga, martelaient les uns, tandis que d’autres se plaignaient du fait que la part belle était faite aux artisans étrangers plutôt qu’aux Burkinabè, relégués aux petits marchés alentour… Jean-Claude Bouda fait peu de cas de ces critiques, assénant qu’il est bon pour les artisans burkinabè de « se remettre en question, condition sine qua non pour se perfectionner ». Sans compter que le Siao leur permet aussi de montrer ce qu’ils savent faire. Les chasseurs de nouveaux talents venus de toute la planète sont nombreux à arpenter les allées colorées du Salon.
Depuis 1988, date de sa création, la manifestation a pris de l’ampleur. Elle s’est aussi professionnalisée. Du coup, les retombées économiques se font davantage sentir et elles profitent à plusieurs secteurs. Les artisans eux-mêmes qui étaient, lors du dernier rendez-vous, entre 3 000 et 4 000 venus des quatre coins de l’Afrique – une trentaine de pays étaient représentés -, voient leurs ventes exploser.
L’hôtellerie, la restauration ou encore les transports se réjouissent des quelque 350 000 visiteurs que le Salon attire en dix jours. En 2002, le Siao a généré, sur cette période, près de 700 millions de F CFA ( 1,07 million d’euros ) de ventes directes, et presque 1 milliard de F CFA en termes d’intentions d’achats ! L’entreprise Siao est, elle aussi, en croissance : en 2002, elle a encaissé 170 millions de F CFA, tirés du prix des entrées ( 300 F CFA ) et de la location des stands.

La Matinale.

Chaque matin, recevez les 10 informations clés de l’actualité africaine.

Image

Contenus partenaires