Faire plus pour la collectivité

Publié le 23 août 2004 Lecture : 3 minutes.

De nombreuses villes africaines, en particulier subsahariennes, sont à la recherche d’une nouvelle politique de transports en commun. Les années 1990 ont vu la disparition progressive des grandes entreprises publiques de transports collectifs, comme la Sogetrag à Conakry, la Sotrac à Dakar ou encore la Sotuc au Cameroun. Aux nombreuses difficultés structurelles – mauvaise productivité, mauvaise gestion, maintenance déficiente, etc. – s’est ajouté en 1994 le coup de grâce de la dévaluation du franc CFA, qui a eu pour conséquence une hausse insupportable du prix des véhicules, des pièces détachées et du carburant. Amakoé P. Adoléhoumé, chercheur et délégué général du réseau Solidarité internationale sur les transports et la recherche en Afrique subsaharienne ( Sitrass ), constate : « Il n’y a plus de financement initial, les bailleurs de fonds ont été échaudés par les investissements réalisés dans les années 1980. »

La place laissée vacante par les sociétés publiques a été rapidement occupée par de nombreuses petites compagnies artisanales de minibus. Le succès de ces microstructures privées est fondé sur une clientèle jeune à faibles revenus, faiblement motorisée, et peuplant des banlieues en forte croissance dépourvues de transports en commun. Mais cette libéralisation a montré à son tour ses limites. Les entreprises privées n’assurent guère de service aux heures creuses, et connaissent un fort turn-over. Les chauffeurs sont mal rémunérés et mal formés, et travaillent dans des conditions difficiles. Les véhicules, souvent usagés, sont mal entretenus. À Dakar, selon les statistiques, ils ont vingt ans d’âge en moyenne. Les conséquences sautent aux yeux, même si elles sont difficiles à évaluer précisément : pollution atmosphérique, trafic engorgé, retards fréquents, nombre élevé d’accidents… À la fin du mois de juin, une collision frontale entre deux minibus de transports de passagers a fait une trentaine de morts et une cinquantaine de blessés dans le nord du Sénégal, à hauteur de Louga. Le bilan des libéralisations est donc loin d’être rose. Pourtant, ni les États ni les bailleurs de fonds n’envisagent de relancer de grosses régies de transport. L’idée est plutôt d’aider ces structures artisanales à s’organiser. Le réseau Sitrass a fait certaines recommandations, dans le cadre d’une étude réalisée sur plusieurs villes africaines, la première étant Abidjan. Parmi les solutions préconisées, les artisans, qui n’ont parfois qu’un ou deux minibus, devraient s’associer en groupements d’intérêt économique ( GIE ). Ils seraient aidés financièrement pour améliorer leur parc et acquérir des véhicules de plus grande capacité, à condition de contribuer à hauteur de 35 % des investissements initiaux. Les normes de fonctionnement du secteur seraient revues à la hausse et les réseaux seraient repensés pour optimiser les lignes et éviter les doublons.

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Il y a urgence. Mais le risque est grand que les petits artisans repoussent dans le temps les investissements nécessaires, jusqu’au moment où la charge sera devenue trop lourde à assumer. Deux visions s’affrontent sur ce sujet. D’un côté, la Banque mondiale encourage l’achat de minibus neufs ; de l’autre, des organismes comme l’Agence française de développement ( AFD ) préconisent l’achat de véhicules d’occasion rénovés, plus faciles à financer. Dans son étude sur Abidjan, le Sitrass juge irréaliste l’achat de minibus neufs qui ne deviennent rentables, au mieux, qu’au bout de cinq ans, alors que les prêts ne courent en général que sur trois ans. L’achat de véhicules d’occasion de qualité serait plus réaliste, mais c’est une solution qui reste provisoire. La prochaine génération de véhicules importés d’Occident sera truffée de pièces électroniques, rendant leur maintenance coûteuse et complexe. Dès maintenant, il faudrait envisager que l’assemblage et le carrossage de véhicules soient effectués en Afrique même, pour les adapter aux contraintes locales de maintenance. Dans le cas contraire, les petites structures artisanales de minibus se retrouveraient bientôt dans la même impasse que les grandes sociétés publiques des années 1980. Au grand dam des usagers.

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