Du travail pour tous

Comment créer des emplois en Afrique ? Les chefs d’État de l’Union africaine tenteront de trouver une réponse en septembre prochain .

Publié le 23 août 2004 Lecture : 3 minutes.

L’idée a été lancée en juillet 2001, à Lusaka, lors de la conférence des chefs d’État et de gouvernement de l’Union africaine (UA). Blaise Compaoré, président du Burkina, avait soulevé la question de l’emploi, et de la nécessité de la placer au coeur des stratégies de lutte contre la pauvreté. En trois ans, et au fil des rencontres, cette idée a fait son chemin et sera concrétisée à Ouagadougou, les 8 et 9 septembre, lors du Sommet extraordinaire des chefs d’État et de gouvernement de l’UA sur l’emploi et la lutte contre la pauvreté.
Il est vrai que ces deux questions sont intimement liées. Pourtant, il n’existe pas sur le continent de stratégie les associant. Et l’emploi n’est bien souvent pas considéré comme un élément moteur des politiques nationales. Trois cents millions d’Africains, soit la moitié de la population du continent, vivent avec moins de 1 dollar par jour. La pauvreté est particulièrement exacerbée chez les jeunes filles et les femmes. Le « chômage » dans le secteur formel, toujours croissant, touche 14,4 % de la population active et devrait augmenter avec l’arrivée de nouvelles générations de jeunes diplômés sur le marché du travail.
Par ailleurs, le sous-emploi ne permet pas d’accroître la consommation – 70 % des revenus du travail sont consacrés à la nourriture -, l’épargne et l’investissement. L’extension de l’épidémie de sida n’arrange rien en diminuant considérablement la productivité des travailleurs, particulièrement en Afrique australe. Enfin, on estime que seuls 5 % à 10 % des nouveaux diplômés trouvent un emploi dans le secteur formel. Sombre tableau…
Le sommet de l’UA semble résolu à prendre le problème de la pauvreté et de l’emploi à bras-le-corps. Alain Ludovic Tou, ministre burkinabè du Travail, de l’Emploi et de la Jeunesse, est persuadé que des solutions existent : « C’est en Afrique que notre avenir se décide et pas à la Banque mondiale ou au Fonds monétaire international », explique-t-il, persuadé « que le continent s’en sortira, malgré ses faibles moyens ». C’est justement pour identifier les solutions et les ressources que se tient le sommet de Ouagadougou. Bien sûr, une politique continentale ne pourra pas être mise en place. Il existe de fortes disparités entre les pays, et les économies du Maghreb ou de l’Afrique du Sud, même si elles ne sont pas excellentes, présentent toutefois de bien meilleurs résultats que celles des États de l’Union économique et monétaire ouest-africaine (Uemoa) et de la Communauté économique et monétaire de l’Afrique centrale (Cemac). Ce sont des « axes majeurs » de réflexion qui émaneront de cette réunion. Quels partenariats possibles ? Avec qui ? Quelles politiques adopter ? Et, surtout, comment assurer un suivi indépendant et efficace ? Les réunions préparatoires au sommet ont permis de dégager des orientations, qui devront être validées. A priori, des comités paritaires nationaux seront institués avec pour vocation de « relancer les chefs d’État » s’ils n’appliquent pas les résolutions. Un comité continental centralisera toutes les données, toutes les actions et… les résultats. Ces instances seront créées pour une durée de cinq ans. Un autre élément important est la prise en compte des opinions des groupements de travailleurs et d’employeurs. « Il faut savoir reproduire à grande échelle les projets réussis de créations d’emplois », expliquait un rapport récent du Bureau international du travail (BIT). Mais pour les reproduire, il faut au préalable les avoir identifiés, et donc avoir su entendre les acteurs concernés. Cette concertation semble en bonne voie puisqu’un Forum des partenaires sociaux réunissant une centaine de participants, dont les conclusions seront transmises aux chefs d’État, se tiendra deux jours avant le sommet.
Si les chefs d’État font de l’emploi une priorité et mettent en oeuvre, dans leurs pays, avec leurs spécificités, et, dans la mesure du possible avec des ressources propres pour provoquer une responsabilisation des acteurs, des politiques adéquates, il est évident que la lutte contre la pauvreté en sera facilitée. Pour Youssouf Ouédraogo, le ministre burkinabè des Affaires étrangères, la notion de création d’emplois doit d’ailleurs désormais figurer dans tous les projets de développement, et « les partenaires internationaux doivent savoir qu’il s’agit d’un élément essentiel de tous les programmes d’ajustement structurel ». Car qui dit revenu régulier dit meilleur accès aux services de santé, et donc meilleure productivité.

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