Chasse au mannequin à Nairobi

Publié le 23 août 2004 Lecture : 2 minutes.

Il y a un an, en juillet 2003, l’agence internationale de mannequins Elite découvre un nouvel eldorado de la beauté féminine : le Kenya. Aussitôt dit, aussitôt fait, l’agence ouvre un bureau et engage Lindsey McIntyre pour partir à la recherche de la nouvelle Naomi Campbell, entre Mombasa et Kisumu, Moyale et Nakuru. La beauté androgyne d’Ajuma Nasenyana, athlète originaire de Lodwar, promet des défilés au puissant goût d’Afrique. Les professionnels cherchent l’exotisme, bien sûr. Mais il n’y a pas que ça : la frivole industrie de la mode accuse le coup après les attentats du 11 septembre 2001, et l’Afrique est riche en filles minces et belles qui n’ont pas d’astronomiques exigences salariales… Et puis, comme le souligne le quotidien britannique The Independent, « les couturiers occidentaux et les journalistes de mode adorent les histoires terribles que charrient la plupart des mannequins africaines. Alek Wek vient de la zone de guerre du Sud-Soudan et se rappelle les balles qui venaient frapper contre les murs de sa chambre. Waris Dirie a écrit comment elle fut excisée à l’aide d’un simple couteau. Iman, elle, se souvient de sa vie de réfugiée somalienne. »
Las ! L’engouement fait long feu. Les « chasseurs de têtes » kényans ne trouvent pas suffisamment de sponsors pour financer des concours de beauté. Incapable d’atteindre ses objectifs, Elite doit fermer son bureau. En cause ? La rude concurrence du monde de la mode où les mannequins africains sont encore plus handicapés que les autres. Moins de 3 % des modèles sont noirs, et les couturiers considèrent que le marché auquel ils s’adressent est composé majoritairement de Blancs. Aubusch Little, porte-parole d’Elite, confiait ainsi à The Independent : « Le problème n’est pas que les agences ne veulent pas de mannequins noirs, mais plutôt que les clients n’en veulent pas. Ils pensent qu’ils vendront plus de produits avec des Blancs, même si nous, nous pensons que cette idée est fausse. » Ce n’est pas tout : les mannequins africains refusent aussi, de plus en plus souvent, de se plier aux demandes d’une industrie qui les voit trop souvent en princesses de la savane, drapées dans des peaux de léopard, et qui de surcroît les paie quatre fois moins que les modèles occidentaux. Et inutile d’évoquer les problèmes de passeports et d’immigration…
Désormais, Lyndsey McIntyre poursuit seule sa route, au Kenya, où elle dirige sa propre agence, Surazuri. « Les gens croient que je peux réaliser leurs rêves, mais, aujourd’hui, je me sens comme un assassin de rêves. Je dois dire aux mannequins que ce milieu est plus dur qu’elles ne croient et qu’elles ont peu de chances de réussir », soupire-t-elle, désenchantée.

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