Branle-bas de combat autour de la réforme du secteur pétrolier

Les autorités du pays tentent de restructurer l’industrie des hydrocarbures. Les réactions sont contrastées. Les majors s’inquiètent de cette nouvelle donne, tandis que les indépendants espèrent saisir de nouvelles opportunités.

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© Vincent Fournier pour JA

Publié le 1 septembre 2009 Lecture : 4 minutes.

Petroleum Industry Bill (PIB), c’est ainsi qu’est dénommé le projet de réforme du gouvernement nigérian destiné à redresser la gigantesque industrie pétrolière du pays, en panne depuis plusieurs années. Ce projet est censé « améliorer la productivité et accroître les performances du secteur, vital pour l’économie du pays », indique Emmanuel O. Egbogah, le conseiller spécial du président Umaru Yar’Adua en charge des questions pétrolières. Une filière qui assure à l’État 90 % des entrées de devises, mais qui, confrontée à la vétusté de ses infrastructures, au manque d’investissements et… à la corruption, tourne au ralenti. Ainsi, de plus de 2,6 millions de barils par jour (mb/j) en 2006, la production nationale du brut chuterait cette année jusqu’à 1,6 mb/j selon certains experts, contre une prévision initiale du FMI de 2,54 mb/j. Et la tendance ne semble pas près de s’inverser. À tel point que le Nigeria, autrefois champion en Afrique subsaharienne dans le pompage du pétrole, est en passe d’être dépassé par son rival, l’Angola.

Outre la redynamisation du secteur, le Petroleum Industry Bill vise aussi à redorer l’image du pays sur la scène internationale. En effet, selon le ministre du Pétrole, Rilwanu Lukman, « cette réforme permettra de faire passer son statut de pays opaque à celui d’un État gestionnaire parmi les plus ouverts et les plus transparents au monde ».

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Le projet de loi, que l’Assemblée nationale passe au peigne fin, prévoit surtout le démantèlement de la Nigeria National Petroleum Corporation (NNPC), la société publique qui fonctionne en de multiples associations avec des sociétés étrangères (J.A. n° 2502). Ce colosse créé en 1971 couvre les activités allant de l’exploration au raffinage. Progressivement devenu inefficace, il accuse de lourdes pertes qui plombent le budget de l’État dont il dépend. La nouvelle disposition, proposée en août 2008 par Rilwanu Lukman, veut ainsi transformer les diverses associations de la NNPC avec les multinationales, en integrated joint-ventures (IJV). Autrement dit, les convertir en sociétés entièrement privées dont l’autonomie financière, selon Abuja, leur permettra de lever des fonds sur les marchés de capitaux.

Inquiétudes sur la fiscalité

Toutes ces bonnes intentions peinent toutefois à rassurer le monde pétrolier. Notamment les majors internationales opérant dans le pays. Total, Shell ou ExxonMobil demandent davantage de clarté et s’inquiètent d’un nouveau régime fiscal du secteur, « qui pourrait être encore plus lourd et donc défavorable aux investissements étrangers », estime Adam Newton, porte-parole de l’anglo-néerlandais Shell. D’autant que la baisse abyssale de leurs résultats au premier semestre 2009 ne les encourage pas à payer plus de taxes. Le français Total a notamment enregistré une chute de 45 % de son bénéfice net sur les six premiers mois de l’année. La prudence est donc de mise. « Nous préconisons plutôt des coopérations plus approfondies dans un premier temps avec la NNPC, avant d’aboutir à des coentreprises intégrées », suggère Adam Newton. Des arguments balayés par Emmanuel O. Egbogah. « Nous ne pouvons pas proposer un texte qui pénaliserait les investissements », affirme-t-il.

Le Nigeria, qui tire du pétrole l’essentiel de ses revenus, cherche également à renflouer ses caisses, ce qui lui permettrait de revenir à l’équilibre budgétaire à partir d’une situation actuelle devenant catastrophique. Selon le Bureau national nigérian des statistiques, ses revenus pétroliers ont en effet baissé de 50 % jusqu’à 4,9 milliards de dollars au premier trimestre 2009. Du coup, le pays veut ainsi réviser à la hausse ses taxes fiscales en suivant la tendance mondiale des pays producteurs. C’est le cas du Venezuela et de certains pays d’Afrique du Nord, notamment l’Algérie.

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En attendant, si la réforme se concrétise, « elle ne sera acceptée par les majors qu’en fonction de l’évolution du prix du baril de brut », estime Olivier Jakob, analyste et directeur du cabinet spécialisé Petromatrix, basé en Suisse. « Quand celui-ci se situe à plus de 100 dollars, les compagnies avalent plus facilement la pilule que lorsqu’il fluctue entre 35 et 40 dollars », ajoute-t-il. Une analyse que partage Jean-Pierre Favennec, de l’Institut français du pétrole (IFP). Mais selon Olivier Jakob, « c’est la question sécuritaire que doit en priorité régler le gouvernement afin de créer un climat stable et favorable ». Certes, le processus d’amnistie engagé le 6 août avec le Mouvement pour l’émancipation du delta du Niger (Mend), qui a récemment saboté des sites pétroliers de la région, laisse entrevoir un apaisement du conflit. Mais la situation reste précaire, et les sabotages peuvent reprendre de plus belle. « Tant que ce problème ne sera pas réglé, la réforme du secteur sera vaine, car aucun investisseur ne s’aventurera dans des projets trop risqués », ajoute Olivier Jakob.

Renégociation de contrats

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Il n’empêche, si les majors restent timides, les petites compagnies sont plus entreprenantes, à l’affût d’opportunités. Certaines nourrissent même de grandes ambitions. Wale Tinubu, le PDG d’Oando, leader nigérian de la distribution de produits raffinés, a affirmé dans le Financial Times du 10 août que le Petroleum Industry Bill est plus opportun pour les juniors. Son groupe compte ainsi profiter de la renégociation des contrats de licence d’exploitation pour se lancer dans la production de brut. Oando table sur la production de 140 000 barils par jour (b/j) à l’horizon 2013, contre moins de 5 000 b/j actuellement. Pour y parvenir, la société compte lever 1,3 milliard de dollars afin de financer son expansion. Elle n’est d’ailleurs pas la seule à adopter cette stratégie. Son concurrent britannique Afren envisage, lui aussi, de profiter du PIB pour porter sa production de 26 000 b/j à 60 000 b/j d’ici à la fin 2010. Certains observateurs avertis affirment que la réforme pourrait même permettre aux petits producteurs indépendants de se hisser au niveau des plus grands installés au Nigeria. 

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