Comium fragilisé par un duel entre actionnaires
La filiale ivoirienne du groupe de téléphonie mobile a un besoin impératif d’argent frais. Mais tout nouveau financement est exclu avant que le bras de fer entre ses dirigeants Nizar Dalloul et Eugène Marie Diomandé trouve une issue. Explications.
Depuis l’obtention d’une licence en 2007, Comium est devenu, sous la marque Koz, le quatrième opérateur de téléphonie mobile en Côte d’Ivoire. La filiale ivoirienne du groupe libanais (également présent au Liberia, en Sierra Leone et en Gambie) peut aujourd’hui s’enorgueillir d’un parc de 2 millions d’abonnés. Mais depuis quelque temps, les difficultés s’accumulent pour Comium Côte d’Ivoire : le réseau a été momentanément suspendu, en janvier, pour défaut de paiement de la redevance due à l’État ; l’opérateur rémunère ses salariés avec du retard et ne règle plus ses fournisseurs… Sous-capitalisé (200 millions de F CFA, soit 305 000 euros), Comium Côte d’Ivoire a un besoin impératif d’argent frais.
Hélas, ce ne sont ni la convention de financement de 160 millions de dollars (environ 115 millions d’euros) signée en mai 2010 avec le fonds d’investissement nigérian African Finance Corporation, ni l’apport prévu de 29 millions de dollars par China Telecom pour financer l’extension du réseau, qui y remédieront. Ceux-ci sont en stand-by. La faute au bras de fer engagé entre le Libanais Nizar Dalloul, fondateur du groupe Comium et détenteur de 85 % du capital de la filiale, et l’Ivoirien Eugène Marie Diomandé, président du conseil d’administration de Comium Côte d’Ivoire. Ce dernier, qui détient 15 % du capital de la société ivoirienne, suspecte Dalloul de « manigancer » pour céder la filiale à son insu.
Mise à l’écart
Il faut dire que les finances de Nizar Dalloul, fils de l’ancien ministre libanais Mohsen Dalloul et gendre de l’ex-Premier ministre Rafic Hariri, sont au plus mal. Après avoir prospéré dans le business grâce aux fonds de l’influent clan Hariri, qui a longtemps garanti ses opérations auprès des banques, il est aujourd’hui criblé de dettes auprès de divers établissements financiers – près de 300 millions d’euros. La cession de Comium Côte d’Ivoire lui permettrait d’effacer son ardoise, puisque six cabinets d’audit ont évalué la filiale à environ 350 millions d’euros.
Eugène Marie Diomandé croit voir clair dans le jeu de Nizar Dalloul : « Il veut diluer l’actionnariat minoritaire avant d’engager des discussions en solo avec des investisseurs américains, accuse-t-il. Et ce alors que j’ai un droit préférentiel sur les opérations portant sur le capital. » De fait, le 24 janvier, Nizar Dalloul a convoqué un conseil d’administration à Abidjan pour révoquer Diomandé ainsi que l’Argentin José Roncal, directeur général de Comium Côte d’Ivoire. Les deux hommes ont été immédiatement remplacés, le premier par Nizar Dalloul lui-même, le second par Michel Hébert, présent dans le groupe depuis 2008 et ancien cadre de l’égyptien Orascom Telecom.
Sur le fond, les deux camps se rejettent la responsabilité des mauvais résultats apparents de Comium Côte d’Ivoire. La « gestion désastreuse de M. Diomandé », justifie Michel Hébert, serait à l’origine d’« un déficit de 1 milliard de F CFA pour le seul mois de janvier ». Qualifiant pour sa part sa mise à l’écart d’illégale et d’infondée, Eugène Marie Diomandé se défend : « J’ai réclamé un audit à plusieurs reprises, mais Nizar Dalloul a refusé à chaque fois. » Avant d’ajouter, en guise de contre-attaque : « Je me suis toujours opposé à ses manœuvres pour incorporer les dettes des filiales moribondes de Sierra Leone, du Liberia et de Gambie dans le bilan de Comium Côte d’Ivoire, car cela a eu pour effet de creuser un déficit de 60 milliards de F CFA sur trois ans ! »
Pour l’heure, la justice a donné raison à Eugène Marie Diomandé : le 18 février, le tribunal de première instance d’Abidjan a annulé toutes les décisions du conseil d’administration du 24 janvier, et nommé un expert-comptable, Patrice Kazana Coulibaly, comme administrateur de l’entreprise. Ce dernier devra en outre procéder à un audit des trois derniers exercices. L’affaire est encore loin de trouver un dénouement, mais, en attendant, Eugène Marie Diomandé ne perd pas de temps lui non plus : de son côté, il cherche de nouveaux investisseurs, notamment émiratis…
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