Royal Air Maroc en quête d’une météo plus clémente

Concurrence croissante, tourisme en berne, flambée du prix du pétrole… Le pavillon national marocain est victime de la conjoncture actuelle. Il doit se réinventer une stratégie sous peine de voir son avenir s’assombrir.

Julien_Clemencot

Publié le 19 juillet 2011 Lecture : 4 minutes.

Et les challenges à relever ne sont pas seulement passagers. Selon sa direction, la compagnie perd plus de 20 millions de dirhams (environ 1,8 million d’euros) par semaine. À ce rythme, son budget devrait accuser un trou de près de 100 millions d’euros d’ici à la fin de l’année. Inquiétant, car la RAM est engagée depuis plusieurs années dans un important programme de renouvellement de sa flotte, notamment avec la réception d’un Boeing 787 dans quelques mois.

Comment la compagnie marocaine, présentée il y a peu comme un champion africain dont on louait la qualité des appareils, les compétences et le service, en est-elle arrivée là ? Les explications sont multiples. Si elle peine actuellement à gérer l’affluence, la RAM a subi ces derniers mois une baisse importante du trafic vers le Maroc (de 10 % en mai et 11 % en juin). En cause, la désaffection des touristes, effrayés par l’agitation sociale née du « printemps arabe » et par l’attentat de Marrakech, en avril.

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Driss Benimha sur un siège éjectable ?

Driss Benimha est-il l’homme de la situation pour redresser Royal Air Maroc ? Ses détracteurs le jugent trop rigide, incapable de négocier. Nommé PDG en 2006, il serait menacé, selon certaines sources. « Pour impulser un virage stratégique, la compagnie aura besoin de l’adhésion des salariés », estime un professionnel du secteur. Une mission difficile pour ce polytechnicien qui s’est maintes fois opposé aux pilotes. Sa réputation pourrait également rebuter le partenaire stratégique tant attendu. Enfin, on lui attribue aussi l’échec de l’accord avec Air Sénégal International (compagnie aujourd’hui disparue), qui a tourné court en 2010.

À cela, il faut ajouter la hausse du cours du pétrole, supérieur de plus de 40 % aux prévisions optimistes de la compagnie. Au-delà de la conjoncture, la RAM paie aussi, d’après les observateurs, la montée de la concurrence née de l’ouverture du ciel marocain. « De plus en plus de passagers ont recours à des opérateurs low cost comme EasyJet, Air Arabia ou Jet4You au départ de Casablanca », confirme Abdou Diop, directeur associé du cabinet Mazars Masnaoui. La compagnie s’était engagée elle aussi sur le créneau du low-cost, en 2004, avant de mettre un terme, début 2011, aux activités déficitaires de sa filiale Atlas Blue.

Conséquence : la part de marché de la RAM au Maroc est passée de 62 % à 47 % entre 2003 et 2010. Des chiffres qui, selon Karim Ghellab, ne remettent pas en question l’effet positif de la libéralisation : « Durant cette période, le trafic aérien international a connu au Maroc une croissance sans précédent, passant de 5,2 millions de passagers en 2003 à 13,6 millions en 2010. La RAM a su en tirer profit, puisque son nombre de passagers a quasi doublé [6,3 millions en 2010, NDLR] et son chiffre d’affaires est passé de 7,1 à 11,4 milliards de dirhams. »

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Changer de cap

Reste que la compagnie doit d’urgence changer de cap pour retrouver une météo plus clémente. « Un plan de restructuration est à l’étude au sein du conseil d’administration », confirme Karim Ghellab. Parmi les mesures en cours d’élaboration, le départ « volontaire » de plus de 1 000 salariés – sur 5 300 – paraît entendu, même si en coulisse on craint une nouvelle levée de boucliers des personnels. Autre décision annoncée, l’abandon de liaisons directes, notamment à partir de l’Europe vers des villes marocaines secondaires, faute de rentabilité : 17 % des lignes engendreraient 57 % des pertes. « L’objectif est de réaliser plusieurs centaines de millions de dirhams d’économie par an », indique Karim Ghellab. L’école de formation des pilotes devrait aussi quitter le giron de la compagnie pour alléger ses dépenses.

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Mais le plus grand changement pourrait être l’entrée dans le capital d’un partenaire stratégique. « Cette option est étudiée depuis dix ans, et plus on la recule, plus la situation s’aggrave », commente un fin connaisseur des arcanes gouvernementaux. Le dilemme est en effet grand au sein du pouvoir. La RAM est l’alliée idéale de la stratégie de développement des intérêts chérifiens, notamment en Afrique. Et si, du côté des ministères, on jure que la compagnie est gérée de manière totalement indépendante, tout le monde sait que le pavillon national a un statut à part et qu’il est difficile d’imaginer le confier à un groupe privé. Toutefois, Karim Ghellab l’assure : « La réflexion est en cours. »

Un nouvel actionnaire pourrait réclamer un recentrage de la RAM sur son cœur de métier. Plutôt réussie dans le domaine de l’ingénierie moteur (Matis Aerospace et Snecma Morocco Engine Services), sa diversification est moins concluante concernant la restauration aérienne (Atlas Catering). La RAM détient aussi une filière hôtelière, Atlas Hospitality, très gourmande en capitaux et dont les résultats 2011 devraient souffrir du ralentissement du tourisme.

L’amélioration du service offert aux voyageurs sur les destinations africaines (100 fréquences par semaine sur 22 pays) sera aussi à l’ordre du jour. Devenus l’un des points forts de la RAM, les vols vers le sud du Sahara ont néanmoins vu leur qualité se dégrader depuis environ un an, au point que certains voyageurs préfèrent se tourner vers des compagnies comme Iberia, TAP ou Brussels Airlines. « Les Africains ne veulent plus être des clients de seconde zone », justifie Abdou Diop. 

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