Présidentielle : pour qui vote l’Afrique centrale ?
Yaoundé, Brazzaville, Malabo ou Bangui auront les yeux rivés sur la présidentielle gabonaise du 30 août prochain. Quel que soit le verdict des urnes, elles n’espèrent qu’une chose : que Libreville ne sombre pas dans l’instabilité post-électorale.
Le 30 août, c’est l’avenir du Gabon qui se joue, mais aussi celui de l’Afrique centrale. En quarante-et-un ans de pouvoir, le chef de l’Etat gabonais Omar Bongo Ondimba, officiellement décédé le 8 juin, a endossé à plusieurs reprises la casquette de médiateur des crises qui secouent la région. Résultat, depuis l’annonce de la mort du « chef », les voisins de Libreville sont attentifs au processus électoral et attendent de voir qui va succéder au doyen des chefs d’Etat africains.
« Le PDG est favori »
Pour l’heure, 23 candidats se disputent le fauteuil d’Omar Bongo. Parmi eux, quelques poids lourds de la politique, dont Ali Bongo, fils du président décédé et ministre de la Défense. Le Parti démocratique gabonais (PDG, au pouvoir) l’a investi le 19 juillet, poussant d’autres candidats de la formation à faire cavalier seul.
Si en Guinée Equatoriale, au Cameroun et au Congo, les autorités restent discrètes sur le candidat qu’elles soutiennent – avançant que seuls les Gabonais ont voix au chapitre -, les simples citoyens commentent avec intérêt le scrutin gabonais et avouent parfois avoir un favori.
Les Congolais auraient d’ailleurs un faible pour Ali Bongo. Peut-être parce qu’Omar Bongo était le gendre du président Denis Sassou Nguesso. « Le PDG est favori. On a le sentiment que le fils d’Omar Bongo a une certaine crédibilité et que tout est réuni pour qu’il accède au pouvoir », résume Nestor Ngampoula, journaliste aux Dépêches de Brazzaville.
Les Centrafricains seraient aussi pro-Ali Bongo. « Le Tchad, la Centrafrique et le Congo ont connu la guerre civile. Grâce à la médiation de Bongo, la paix est revenue. Alors les Centrafricains jugent que l’élection d’Ali Bongo serait un signe de stabilité pour la région. Ce qui ne veut pas dire qu’il est aimé : c’est un mal nécessaire… », explique Prospert Yaka, journaliste à l’Agence Centrafrique Presse (ACP).
Crainte autour d’un scénario dynastique
A l’inverse, la perspective d’une victoire d’Ali Bongo inquiète certaines organisations de la société civile, qui déplorent l’émergence de scénarios dynastiques dans toute l’Afrique. « Je crains qu’Ali Bongo ne marche sur les traces de son père, qu’il poursuive les mêmes pratiques, la même philosophie. C’est le cas au Togo avec Faure Gnassingbé ou en RDC avec Joseph Kabila », explique Jean-Claude Katende, le président de l’Association Africaine de Défense des droits de l’Homme, basée en République Démocratique du Congo (RDC).
« Bongo, on l’a aimé. Sauf qu’il est resté longtemps au pouvoir… », résume pour sa part Emmanuel, un fonctionnaire camerounais à la retraite. Sous couvert d’anonymat, un autre Camerounais confie que ses compatriotes voudraient voir l’ancien chef de gouvernement Casimir Oyé Mba s’installer au « Palais présidentiel du bord de mer ».
« Un financier serait bienvenu en ces temps de crise ! », justifie-t-il, faisant sans doute allusion au poste de gouverneur de la Banque des Etats de l’Afrique centrale qu’Oye Mba a occupé pendant douze ans à Yaoundé. Est-ce la seule raison ? Pas si sûr.
Cet interviewé évoque en filigrane la référence à l’ethnie, notamment fang, présente au Cameroun et à laquelle appartient Casimir Oyé Mba. Il relève entre autres un « émiettement du vote fang avec une demi-douzaine de candidats » et s’interroge sur la possibilité pour les 23 présidentiables de se désister au dernier moment, ce qui pourrait « peut-être créer un revirement ».
Malabo, Libreville et le différend de Mbanié
Pour qui roule la Guinée Equatoriale ? « Nous n’avons pas de candidat. Nous respectons la souveraineté de chaque Etat », assure Jeronimo Osa Osa Ecoro, ministre de l’Information, de la Culture et du Tourisme et porte-parole du gouvernement équato-guinéen.
Reste que Malabo et Libreville se disputent l’île de Mbanié, dont les eaux seraient potentiellement riches en pétrole. Et sur ce dossier Ali Bongo serait particulièrement intransigeant. « Quel que soit le candidat qui remporte l’élection, nous allons continuer à travailler à la résolution pacifique de ce conflit parce qu’il n’y a pas de raison de recourir à la violence », juge Jeronimo Osa Osa Ecoro.
Au final, si le vainqueur du scrutin compte, les pays d’Afrique Centrale espèrent surtout que l’élection ne débouchera pas sur une crise. « Le président Bongo a beaucoup contribué sur les questions de paix en Centrafrique, indique le pasteur Louis Oguéré, président de l’Association centrafricaine pour la lutte contre la violence. Il ne faudrait pas que sa succession provoque une déchirure. »
Eviter le chaos
« Nous souhaitons une transition positive qui apportera stabilité et prospérité au Gabon. C’est notre seule préoccupation. S’il y avait des troubles dans ce pays, nous serions forcément touchés », souligne le ministre équato-guinéen.
Seulement le scrutin présidentiel, à un tour, risque de générer des frustrations. Le candidat qui accèdera à la magistrature suprême risque d’obtenir une majorité relative très faible. Or, un président mal élu pourra-t-il être fermement soutenu par ceux qu’il a peut-être battus d’une courte tête ?
Le pasteur Louis Oguéré veut y croire : « Les Gabonais ne sont pas obligés de connaître le chaos après Bongo. Il suffit pour ça de volonté politique, que les politiques trouvent un consensus comme en Centrafrique avec l’aide du président Bongo ».
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