Pour la première fois, un kamikaze « made in Mauritania »
Le premier attentat suicide survenu, le 8 août, à Nouakchott, la capitale de la Mauritanie, rend désormais incontestable la menace terroriste dans ce pays.
Le 8 août, vers 19 heures, une déflagration a retenti dans le crépuscule qui commençait à envelopper Nouakchott. Immédiatement, un attroupement s’est formé aux abords de l’ambassade de France, une bâtisse protégée par de longs murs située à Tevragh Zeina, un quartier chic de la capitale mauritanienne. Il suffisait d’un coup d’œil à travers le cordon de sécurité pour comprendre : un kamikaze, dont le corps déchiqueté en trois morceaux devait plus tard être montré en boucle à la télévision, venait de se faire exploser à deux pas de la chancellerie française.
C’est la première fois que la Mauritanie est frappée par un attentat suicide. Depuis 2005, le pays connaît une série noire d’attentats terroristes : attaque d’une patrouille militaire à Lemgheity, dans le Nord du pays, en juin 2005, qui a fait 15 morts ; meurtre de quatre touristes français, en décembre 2007, à 250 kilomètres au sud-est de Nouakchott, qui a entraîné l’annulation du Rallye Paris-Dakar ; carnage qui a coûté la vie à onze militaires ainsi qu’à leur guide en septembre 2008 en plein désert ; assassinat d’un Américain dirigeant une ONG, le 23 juin dernier, dans une rue de Nouakchott : aucun de ces actes attribués à Al Qaida au Maghreb islamique (AQMI) – ou à son ancêtre, le Groupe Salafiste pour la Prédication et le Combat (GSPC) – n’a été commis par un kamikaze.
Menace d’un nouveau genre
L’attaque du 8 août est donc un tournant et aggrave la menace qui plane sur Nouakchott. Parce qu’ils sont prêts à mourir pour Dieu et le salut de leur âme, les kamikazes sont redoutables. Rien ne semble pouvoir les arrêter. La Mauritanie est-elle armée pour les contrôler ?
Il a été longtemps tabou d’affirmer que des cellules terroristes islamistes évoluent en Mauritanie. Aujourd’hui, les autorités le reconnaissent. C’est un premier pas et une condition sine qua non pour affronter le danger. Mais les forces de sécurité font encore pâle figure. Selon une source, il arrive même qu’elles soient infiltrées par des éléments d’AQMI. Et surtout, tous les observateurs le reconnaissent : la pauvreté, qui touche un Mauritanien sur deux, est un terreau idéal pour des dignitaires d’un mouvement terroriste en quête de jeunes recrues isolées, malléables, faciles à embrigader et prêtes à se faire exploser pour un paradis rêvé.
Identité floue
L’identité du kamikaze du 8 août – la seule victime – n’est pas encore claire. Une carte d’identité a été retrouvée parmi ses vêtements en lambeaux : celle d’un Haratine de 22 ans. Parmi les trois communautés qui composent la société mauritanienne, celle des Haratines, les descendants d’esclaves, est très démunie. Selon d’autres sources, les papiers que le kamikaze portait sont ceux d’un camarade recherché par la police qu’il aurait voulu protéger en le faisant passer pour mort. En revanche, le ministère de l’Intérieur semble être fixé quant à sa nationalité mauritanienne.
Pauvre, riche, illettré, éduqué… Quelles qu’elles soient, les conclusions de l’enquête sur l’identité du kamikaze ne dissiperont pas cette certitude désormais partagée en Mauritanie: le terrorisme est une menace grandissante dans le pays.
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