Massacres du 28 septembre : Dadis a-t-il été l’instigateur ?

Le chef de la junte guinéenne dément toute responsabilité dans l’intervention militaire qui, lundi, à Conakry, aurait coûté la vie à plus de 150 manifestants. Mais selon plusieurs sources policières, Moussa Dadis Camara ne pouvait ignorer le drame qui se jouait au stade du 28-Septembre.

Publié le 30 septembre 2009 Lecture : 3 minutes.

Moussa Dadis Camara plaide non coupable. Le chef de la junte martèle qu’il n’a aucune responsabilité dans la mort des quelque 150 opposants qui seraient tombés lors de la charge des Bérets rouges de la garde présidentielle, lundi, au stade du 28-Septembre de Conakry.

Cette intervention militaire, réprimant un rassemblement interdit, était d’une extrême violence : les Bérets rouges, accusés de dizaines de viols en plein jour, ont tiré à balles réelles et usé de baïonnettes.

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Le massacre a provoqué de vives condamnations de la communauté internationale. La France a d’ailleurs suspendu son aide militaire et l’Union Européenne pourrait décider de sanctions « additionnelles » contre la Guinée, déjà économiquement asphyxiée.

« L’événement m’a débordé »

« Il s’agit d’un mouvement incontrôlé, même le chef de l’Etat ne peut pas contrôler ce mouvement », s’est défendu lundi sur Radio France Internationale (RFI) le capitaine qui a pris le pouvoir le 23 décembre à la suite d’un coup d’Etat sans effusion de sang.

« L’événement m’a débordé, a-t-il renchérit mercredi sur les ondes de la radio française Europe 1. Cette armée, je ne contrôle pas toutes ses activités (…). Dire que je contrôle cette armée, ce serait de la démagogie. J’ai hérité d’un héritage d’un demi-siècle, une armée où le caporal peut dire « merde » à un colonel, à un général. »

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Le garde du corps de Dadis impliqué

Impuissant, Dadis ? La thèse ne convainc pas. D’autant que des proches du pouvoir étaient sur le terrain. De hauts responsables au sein des forces de police affirment en effet que les ministres chargés de la sécurité à la présidence, Claude Pivi, et de la lutte contre la drogue et le grand banditisme, Moussa Tiégboro Camara, étaient présents au stade lors des incidents.

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Ils signalent en outre que Toumba Diakité, garde du corps du successeur de Lansana Conté, se trouvait également sur les lieux. Le président de la Coordination des organisations de défense des droits de l’Homme de Guinée, Souleymane Bah, confirme : « Il m’a attrapé personnellement par le col et a demandé à ses troupes de me tabasser ».

« Carnage organisé et prémédité »

Pour les mêmes responsables ainsi que plusieurs associations de défense des droits humains le doute n’est donc plus permis. « Ce qui s’est passé était organisé, prémédité. Toumba Diakité est toujours à côté du président. Il ne peut pas l’abandonner pour faire un carnage sans qu’il ne le sache », souligne un activiste.

Surtout que ce sont « 19 camions » de bérets rouges qui auraient quitté le camp Alpha-Yaya-Diallo pour se rendre au stade. Difficile alors de passer inaperçu. Quelle était la mission de ces hommes ? « En tout cas, finit par lâcher un responsable des forces de police sous le couvert de l’anonymat, ils ne sont pas venus pour le maintien de l’ordre mais pour faire ce que j’ai vu. » En somme, éliminer des anti-Dadis et faire taire la contestation grandissante.

Le chef de la junte promet une enquête

Les Bérets rouges n’étaient apparemment pas les seuls dans cette croisade. Des partisans du capitaine putschiste, se seraient mêlés aux marcheurs lundi. Armés de gourdins et de couteaux, ils auraient agressé, voire tué des opposants.

Toujours est-il que Moussa Dadis Camara a déclaré mercredi et jeudi journées de deuil national et promis de soutenir les familles de victimes. « Le gouvernement mettra tout en œuvre pour faire la lumière sur ces événements tragiques qui sont de nature à troubler la quiétude sociale chère à notre peuple », a-t-il ajouté mardi sur la télévision nationale.

Afin de prévenir d’autres drames, l’homme fort de Conakry « invite le conseil religieux (regroupant responsables chrétiens et musulmans), les responsables des partis politiques, les organisations de la société civile et les mass médias à s’abstenir de propos et actes de nature à troubler l’ordre public et de nature à ébranler le fondement même de la nation guinéenne ». Et de menacer : « Les fauteurs de troubles et les commanditaires seront sévèrement punis ».

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