Côte d’Ivoire : les remèdes du camp Gbagbo contre la paralysie bancaire
Alors que la situation bancaire empire de jour en jour, le président sortant Laurent Gbagbo tente de reprendre la main avec de simples décrets sensés rassurer la population ivoirienne. La crise économique de grande envergure est-elle évitable ?
Laurent Gbagbo peut-il restaurer la confiance ? C’est tout l’enjeu de sa décision, jeudi 17 février, de signer des décrets « afin que l’État de Côte d’Ivoire prenne le contrôle par une prise de participation totale et complète dans le capital de certaines des banques » – au nombre de cinq – qui ont fermé leurs agences depuis lundi. « Il s’agit entre autres de la SGBCI et de la Bicici », respectivement filiales de la Société Générale et de BNP Paribas, précise le communiqué lu à la RTI.
Objectif du camp Gbagbo : « Préserver les emplois et assurer l’accès des Ivoiriens et des opérateurs économiques à leurs avoirs » dans « les plus brefs délais ». Mais la réponse des opérateurs économiques est loin d’être aussi optimiste. « Les autres banques vont fermer », prédit un haut responsable du secteur. Conséquences prévisibles et déjà en cours : annulations de contrats, plans sociaux draconiens, chômage technique… « Tous les secteurs d’activité, transport et industrie notamment », sont touchés, affirme un acteur de l’agro-industrie. En un mot, selon une source autorisée, l’effet du blocage du secteur bancaire sur l’économie sera « cataclysmique ».
"Pression énorme"
À l’origine de la paralysie de l’économie qui se profile à l’horizon : la rupture en janvier entre Abidjan et la Banque centrale des États d’Afrique de l’Ouest (BCEAO), laquelle dépend de l’Union économique et monétaire ouest-africaine (UEMOA) et de la Communauté économique des États de l’Afrique de l’Ouest (Cedeao), qui reconnaît comme seul président élu de Côte d’Ivoire Alassane Ouattara.
Depuis, le gouvernement Gbagbo s’efforce d’élaborer – sans succès – un système bancaire viable à l’échelle du pays. Y compris, selon plusieurs sources bancaires, en exerçant une « pression énorme » sur les filiales des grandes banques étrangères. Le secteur ne fonctionnant qu’avec un minimum de confiance et non sous la menace ou la violence, l’échec est patent. Et le camp Gbagbo, qui risque bientôt de ne plus pouvoir payer les fonctionnaires et militaires dont la fidélité lui est vitale, n’a de cesse d’accuser la France de toutes les turpitudes. On craint déjà un raidissement du régime Gbagbo qui risque d’être beaucoup plus violent à l’égard de ses opposant. « Gbagbo va monter la population contre nous », redoute un haut cadre du camp Ouattara.
Pour Paris, les fermetures bancaires provisoires ne sont que « la conséquence du refus de Laurent Gbagbo » de partir. De fait, face au manque de liquidités, aux difficultés techniques et aux risques juridiques, ainsi qu’à la menace de sanctions brandie par la BCEAO contre les banques travaillant avec le gouvernement Gbagbo, la Bicici et la SGBCI ont donné le signal du retrait. Et de l’inquiétude.
Effet de contagion
Devant les sièges des banques, dans le quartier du Plateau, à Abidjan, le défilé des clients n’a pas arrêté de toute la semaine. Jeudi, devant la Société ivoirienne de banque (SIB, du groupe marocain Attijariwafa Bank), des Abidjanais ont attendu dès les premières heures de la matinée pour retirer de l’argent. « On craint l’effet de contagion, donc on vient retirer un peu sur notre épargne », expliquait une chef d’entreprise. « Je préfère avoir mes sous sur moi, on ne sait pas ce qui va se passer », confiait quant à lui un militaire.
Pour Guillaume Soro, Premier ministre de M. Ouattara, le responsable de « chaos », c’est le président sortant, contre lequel il faut mener la « révolution », comme en Égypte et en Tunisie. Deux rassemblements sont prévus à partir de samedi à Abobo et Koumassi (Abidjan), les manifestants étant invités à s’habiller tout en blanc et à attendre l’arrivée du panel de chef d’État envoyé par l’UA, le 22 février, pour l’accueillir. (Avec AFP)
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