Sans de bonnes exploitations agricoles, l’Afrique est condamnée à la faim

Publié le 2 décembre 2011 Lecture : 4 minutes.

Un sage a dit un jour qu’un homme affamé est un homme en colère. Cela vaut aussi pour un agriculteur qui ne peut se nourrir.

Si les pays africains ne veulent pas voir cet adage devenir une réalité, ils doivent honorer leurs engagements et investir plus dans le futur de l’agriculture, pour rendre les exploitations agricoles plus productives et viables, et pour les protéger des risques liés au changement climatique et aux épisodes météorologiques extrêmes.

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L’agriculture est le sang de la vie de plus d’un demi-milliard d’Africains, et le changement climatique l’affectera de manière significative sur tout le continent. La hausse des températures et l’augmentation des sécheresses et inondations pourraient dramatiquement altérer le cycle végétatif et ravager les récoltes. Selon une étude menée par le Groupe consultatif pour la recherche agricole internationale (CGIAR), le taux de mauvaises récoltes – déjà de 25 % dans l’essentiel de l’Afrique de l’Est – augmentera dans toutes les régions à l’exception de l’Afrique centrale. A cause du changement climatique, les cultures non irriguées pourraient chaque année s’avérer mauvaises dans la majeure partie de l’Afrique australe.

Dans le passé, les agriculteurs africains ont fait preuve d’une remarquable capacité à s’adapter aux évolutions du climat. Mais la hausse des températures de quatre degrés ou plus annoncée par le Groupe intergouvernemental d’experts sur l’évolution du climat (GIEC) pourraient pousser des millions d’agriculteurs au-delà de leurs capacités d’adaptation, et il est peu probable que le débat sur le climat de la planète qui s’est ouvert à Durban le 28 novembre aboutisse à un accord de limitation du réchauffement à deux degrés ou moins.

Ainsi, nous les Africains, nous devons réaliser que nous ne pouvons attendre que le monde trouve à notre place une solution au problème du climat. Nous devons suivre notre propre voie vers la sécurité climatique. Et cela commence par assurer nous-mêmes notre sécurité alimentaire.

Plusieurs options s’offrent à nous pour aider les agriculteurs à s’adapter au réchauffement climatique, mais elles nécessitent la mise en place de nos propres institutions et d’une infrastructure capable d’améliorer nos récoltes et de protéger nos agriculteurs.

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Dans des pays tels que le Rwanda, le Nigéria, la Tanzanie et le Malawi, les programmes de transformation agricole stimulant une production autrefois parmi les plus faibles du monde constituent pour les agriculteurs africains leur premier rempart contre le changement climatique.

Alors qu’une crise alimentaire causée par la sécheresse affecte des millions de personnes dans la Corne de l’Afrique, quelques lueurs d’espoir brillent néanmoins dans la région. Des programmes innovants d’assurance des cultures et du bétail ont commencé à indemniser les agriculteurs qui avaient contracté des micro-assurances pour protéger de la sécheresse leurs cheptels et leurs récoltes. Ces programmes utilisent des stations météorologiques solaires et des données satellites pour surveiller les conditions météorologiques et verser automatiquement les indemnités quand les récoltes et les pâturages sont touchés au-delà d’un certain point. Ces systèmes d’assurance contre les risques climatiques sont un exemple d’innovations basées sur le marché, qui pourrait se répandre plus largement en Afrique.

En Afrique australe, des centaines de milliers de fermiers pratiquent une agriculture de conservation qui les aidera à s’adapter au changement climatique. Cette approche impliquant un travail du sol réduit ou nul, les agriculteurs sont capables de maintenir dans les terres un contenu plus humide, fertile et biologique. Cette approche intelligente du climat réduit aussi les émissions de gaz à effet de serre en diminuant le recours aux machines et aux engrais chimiques, et en stockant plus de carbone dans les sols.

Au Sahel, les scientifiques sont de plus en plus à même de prévoir des conditions telles que des températures supérieures à la normale ou des sécheresses prolongées pendant la période de végétation. Mais les États africains doivent améliorer leurs services de vulgarisation agricole pour que les prévisions et autres informations utiles soient communiquées aux agriculteurs à temps pour les aider à prendre les meilleures décisions sur le terrain. Au Zimbabwe par exemple, une étude a observé que le rendement des cultures augmentait de 19 % chez les agriculteurs utilisant les prévisions saisonnières pour éclairer leurs décisions.

Une récente enquête du Programme de recherche sur le changement climatique, l’agriculture et la sécurité alimentaire (CCAFS) du CGIAR a révélé que la variabilité et l’imprévisibilité du climat – pluies précoces, baisse des précipitations, sécheresses et inondations plus fréquentes – a entraîné 80 % des ménages d’une région du Kenya à modifier leurs pratiques agricoles. Les agriculteurs sont avides de solutions, et ils sont à la fois désireux et capables de les mettre en application.

Les États africains, la communauté des bailleurs de fonds et les autres partenaires au développement doivent soutenir les agriculteurs dans leurs efforts pour renforcer leur résilience à la menace grandissante que représente le climat. Les investissements dans la productivité devraient être complétés par des approches réduisant les risques liés au climat, diminuant les émissions de carbone dues à l’agriculture et à la déforestation, et améliorant l’accès des agriculteurs à l’information sur le climat. Sans de bonnes exploitations agricoles, l’Afrique est condamnée à la faim… et ça c’est pour le moins une très sombre nouvelle !

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Bruce Campbell est le directeur du Programme de recherche sur le changement climatique, l’agriculture et la sécurité alimentaire (CCAFS) du CGIAR. Né en Afrique du Sud, il a travaillé pendant 20 ans au Zimbabwe, et est aujourd’hui basé à Copenhague.

 

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